“C'est la décennie de la dernière chance pour l'Algérie.” C'est par ces termes que le Dr Lamiri, P-DG de l'Institut international de management (Insim), avertit quant aux conséquences de la dépendance de l'Algérie des hydrocarbures et de l'absence d'une vision économique claire. Intervenant hier, à l'occasion d'une rencontre sur “la construction du Grand-Maghreb”, organisée à l'initiative de la Confédération des cadres de la comptabilité et des finances (CCFC) à Alger, le Dr Lamiri a estimé que dans dix ans, “les exportations énergétiques vont baisser de 50% et on aura une crise politique et sociale”. “Si nous n'arrêtons pas nos exportations pétrolières, dans les cinq prochaines années, nous allons devenir un pays importateur d'hydrocarbures”, explique-t-il. “Nous devons rendre notre économie productive, libérer les initiatives, encourager la recherche, le développement et l'innovation. Sinon, nous ferons face à une crise sans précédent et nous aurons des problèmes sociaux ingérables, et le pays sera une cible des prétentions étrangères”, avertit-il sur un ton grave qui a jeté un froid parmi l'assistance. Et les arguments du conférencier ne manquent pas à ce sujet : “Nous manquons de perspectives, nous avons une croissance démographique importante et un taux de croissance qui est extensible.” Sur ce dernier point, il précisera : “Nous avons la croissance la plus chère au monde : on injecte chaque année 25% du PIB, ce qui veut dire que nous avons une économie qui ne sait pas créer des richesses, nous sommes donc en train de nous sous-développer.” Interrogé sur les raisons de cette situation chaotique dans notre pays, le Dr Lamiri relèvera que “le problème de fond est toujours politique”. “Nous avons un problème de sociologie politique. Le poisson est pourri par la tête, comme dit un proverbe japonais”, argue-t-il. Plus précis sur cette question, il indiquera que “l'économie est gérée par des injonctions politiques”. Dans le même temps, le P-DG de l'Insim soulève le problème de la bureaucratie : “Nous avons une administration structurée et organisée pour faire dérailler toutes les bonnes décisions.” “Il y a des sociétés d'appui qui sont créées à l'image du FGAR et d'autres encore qui ont des missions nobles, mais cette administration est orientée pour faire échouer les décisions”, explique-t-il à ce propos avant de relever : “Je répète souvent une citation de mon ancien professeur Peter Drucker, il n'y a pas de pays sous-développés, mais il y a des pays sous-gérés.” À la question de savoir comment prendre en charge la léthargie de l'économie nationale, Lamiri dira que, “techniquement, nous savons comment redresser l'économie, mais politiquement, rien ne se fait”. Il préconisera, dans ce cadre, “une réorganisation de l'Etat” car, dit-il, “nous avons un problème d'organisation de l'Etat”. Le P-DG de l'Insim estime, ce faisant, que “c'est aux décideurs de prendre leurs responsabilités par rapport à cette situation. Dans ce cadre, un Maghreb uni offre une partie de la solution”. Parmi les solutions que peut permettre un Maghreb économiquement intégré, c'est une meilleure lutte contre l'inflation. Expliquant que l'intégration magrébine est très faible avec les échanges les plus bas au monde, Lamiri fait observer que cela “fait perdre au Maghreb 2% du PIB, 500 mille emplois directs et 1,5 million d'emplois indirects”. Une autre thématique a été abordée lors de la rencontre d'hier. Il s'agit des médias au Maghreb. Trois intervenants ont décortiqué la question : Cherif Rezki, directeur de la publication d'El Khabar, Abrous Outoudert, directeur de publication de Liberté, et Linda Khalfa, directrice de Nessma TV. Les trois intervenants, qui ont déploré l'absence de passerelles entre les médias magrébins, se sont dit optimistes quant à une fédération des médias de cette zone à la faveur des révolutions arabes. N M