Dans cet entretien, le président du Conseil italien, M. Mario Monti, qui est aujourd'hui à Alger pour une visite officielle d'une journée, évoque l'importance des relations énergétiques algéro-italiennes à travers la réalisation prochaine du Galsi, annonce l'intérêt des constructeurs italiens pour le programme de logements en Algérie, et parle de la crise malienne en mettant l'accent sur l'intégrité territoriale de ce pays en tant que condition indispensable à toute solution mise en œuvre au Mali. Liberté : Vous venez dans un contexte économique très particulier où l'Algérie déploie un vaste programme de développement. Les entreprises italiennes ont montré leur intérêt pour le programme de logements. Y aura-t-il des discussions à ce niveau ? Mario Monti : L'intérêt des entreprises italiennes pour le marché algérien des grandes infrastructures civiles, remonte à la deuxième moitié des années 70. Aujourd'hui l'engagement italien a atteint des niveaux d'excellence reconnue sur le plan de la qualité globale des produits. À titre d'exemple, beaucoup de technologies innovantes, utilisées en Algérie dans la réalisation de grandes infrastructures, sont tirées et transférées directement d'expériences italiennes. Le programme que le gouvernement algérien compte réaliser dans les prochaines années pour la construction de logements dans le pays intéresse évidemment beaucoup nos entreprises, celles déjà présentes en Algérie aussi bien que celles qui le seront dans le futur. Afin de répondre au grand intérêt manifesté par celles-ci, il y aura, d'ailleurs, bientôt, une mission à Alger de l'Association nationale des constructeurs (Ance), à laquelle adhèrent maintes entreprises spécialisées dans les travaux publics, le bâtiment, la construction commerciale et industrielle, la protection de l'environnement, la promotion du logement et les travaux spécialisés. Le différend entre Sonatrach et l'italien Edison sur le prix du gaz, a été porté au niveau de l'arbitrage international, avait déclaré le 4 novembre un responsable de Sonatrach. Peut-on parler de contentieux dans les relations énergétiques algéro-italiennes ? L'Algérie est pour l'Italie un partenaire de grande importance. Les relations entre les deux pays, qui remontent à l'époque de l'indépendance algérienne, sont excellentes et se sont constamment renforcées, même dans les moments difficiles. Elles ont culminé avec le Traité d'amitié, de bon voisinage et de coopération de 2003. Dans le secteur des hydrocarbures, il y a un partenariat stratégique et un intérêt réciproque à renforcer la collaboration bilatérale. L'Italie est le premier partenaire commercial de l'Algérie et elle est aussi, et de loin, le premier acquéreur de gaz naturel algérien, qui couvre 35% de nos besoins nationaux. La relation avec l'Algérie pourrait bénéficier de la réalisation future du gazoduc Galsi, qui vise à relier directement l'Algérie à l'Italie à travers la Sardaigne, ainsi que de la recherche constante de nouvelles opportunités de coopération et d'élargissement des intérêts réciproques. Des questions qui relèvent des dynamiques commerciales normales ne peuvent pas affecter le rapport de fond L'Italie a bâti son économie sur la base des PME/PMI, économie à hauteur d'hommes, y a-t-il une offensive italienne dans ce sens en participant à la mise en place de ce type d'entreprises en Algérie ? Les petites et moyennes entreprises constituent effectivement la structure de base de l'économie italienne. À l'exception des entreprises qui opèrent comme sous-traitants dans le secteur de l'énergie et des travaux publics, la présence des PME italiennes en Algérie a essentiellement un caractère commercial. Mais ces relations entre les PME italiennes et algériennes durent souvent depuis des décennies et vont bien au-delà de la simple fourniture de machines. Elles comprennent également l'assistance, la formation et le transfert de technologie. Il existe des marges importantes pour renforcer nos relations et promouvoir la création de partenariats entre les entreprises des deux pays en profitant des opportunités qui existent. Le Sommet est dédié aussi à l'identification d'instruments et de mécanismes pour renforcer ces liens dans l'intérêt mutuel. Le dialogue politique a toujours bien fonctionné entre Alger et Rome. Comment voyez-vous la situation dans le Sahel après la décision du Conseil de sécurité d'autoriser une intervention militaire pour libérer le nord du Mali ? Et la solution politique au Mali a-t-elle toujours des chances d'aboutir surtout après le retrait du groupe Ansar Dine de la branche d'Aqmi qui écume le Sahel avec le Mujao ? La résolution du Conseil de sécurité constitue une base commune dans laquelle toute la communauté internationale se reconnaît. Et elle privilégie très justement une solution politique sans exclure la voie militaire. Il est important que la communauté internationale agisse rapidement pour soutenir un processus politique qui renforce l'autorité du gouvernement de Bamako et qui prenne en charge les demandes des populations du Nord. En ce sens, il est important qu'un front commun malien se constitue contre le terrorisme. Pour l'Italie, comme pour d'autres pays, l'intégrité territoriale du Mali est une condition essentielle de toute solution à la crise. L'Italie est convaincue qu'une solution durable devra être trouvée seulement avec l'engagement de toutes les composantes de l'Etat malien, avec l'appui des pays africains et avec l'assistance de la communauté internationale tout entière. Nous sommes en contact étroit avec nos amis algériens sur ce dossier délicat aussi bien au plan bilatéral que multilatéral. Nous sommes confiants que le président Prodi, envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies apportera une contribution importante pour canaliser les efforts de la communauté internationale afin de développer une stratégie intégrée, acceptable et efficace. Le Printemps arabe va bientôt boucler deux ans, mais les sources d'instabilité sont toujours là malgré le changement des régimes. L'arrivée du courant islamiste au pouvoir en Tunisie, en Egypte notamment et la persistance de l'instabilité en Libye et la guerre en Syrie ont ajouté à l'incertitude de la région Mena. Qu'en pensez-vous ? Le Printemps arabe a constitué un changement radical, issu essentiellement de la volonté des populations d'avoir plus de liberté et plus de possibilités de développement économique et social, vis-à-vis des systèmes politiques et institutionnels qui, depuis des décennies, n'avaient pas été en mesure de répondre à ces exigences indispensables. La plupart des pays touchés par ces grands changements sont en train de réaliser des pas importants vers la stabilisation et la démocratie en dépit de grandes difficultés. Je pense qu'il est important de leur tendre la main afin de garantir que cette transition ne prenne pas une allure dangereuse mais, qu'au contraire, elle renforce la stabilité et le bien-être des peuples de la région entière. La lutte contre l'émigration clandestine s'est intensifiée ces dernières années. Plusieurs algériens ayant tenté l'aventure se trouvent aujourd'hui dans des centres de transit en Italie. Ce dossier sera-t-il évoqué lors de vos entretiens avec les responsables algériens ? Le nombre d'Algériens reçu par les centres d'accueil temporaire en Italie a diminué au cours des ans. Cependant, la nécessité est de stopper les réseaux criminels qui organisent le phénomène de l'immigration clandestine. L'Italie a beaucoup apprécié l'excellente collaboration des autorités algériennes dans la prévention et la lutte contre les flux migratoires illégaux. Cette coopération migratoire se réalise dans un cadre juridique qui se fonde sur l'accord bilatéral de réadmission (en vigueur depuis 2006).