La stabilité politique et économique en Tunisie est partie pour plusieurs années. Si bien sûr le pays ne verse pas dans le terrorisme. Il ne se passe pas une semaine sans que de graves incidents éclatent ici et là. Encore une fois, la région de Siliana proche de la frontière algérienne a vécu de graves incidents lundi qui ont fait jusqu'à mardi une centaine de blessés parmi les manifestants et les forces de sécurité. Après un calme précaire mercredi, des affrontements ont repris de plus belle jeudi opposant protestataires et policiers dans cette région déshéritée où de graves violences ont obligé la police a user de grandes quantités de gaz lacrymogènes sur faire disperser quelques centaines de manifestants qui tentaient de s'attaquer à un poste de police. Trois personnes ont été blessées. Des manifestants qu'ils voulaient interpeller ont passé à tabac des policiers à coup de pied et de matraque. L'un d'entre eux, assommé et saignant de la tête, a été évacué par les pompiers.Alors que non loin de là, des milliers d'habitants manifestaient aux abords du gouvernorat (préfecture) pour réclamer encore et toujours le limogeage du gouverneur et désormais aussi le départ des policiers venus en renfort. “On réclame le départ de tous ces renforts, on n'accepte que les agents de police de Siliana", a déclaré un des manifestants. Des manifestations ont aussi été émaillés de violences dans des localités proches de Siliana, même si les débordements semblaient moins graves que la veille. Des manifestants ont incendié un poste des forces de l'ordre tunisiennes et deux de leurs véhicules à Kesra, à 40 km au sud de Siliana, Un représentant du parti islamiste Ennahda, au pouvoir, a dénoncé ces troubles provoqués, selon lui par les manifestants, y voyant la main de “contre-révolutionnaires". “Les manifestations se sont transformées en violences et en attaques contre les symboles de l'Etat (...) et les acquis du peuple", a déclaré en conférence de presse à Tunis Ameur Larayedh, qui dirige le bureau politique de ce parti. “Le peuple ne va pas permettre aux contre-révolutionnaires de revenir au pouvoir", a-t-il ajouté. En fait la ville de Siliana avait décidé d'une grève générale suite à un conflit né de l'incident où une syndicaliste avait été giflée par le secrétaire du gouverneur. Après cela, plus de 7 000 personnes se sont rassemblés devant le siège du gouvernorat. Quelques pierres ont été jetées contre l'édifice, rien d'exceptionnel sur l'échelle de la colère. Alors la police réprima avec une violence incroyable les hommes et femmes réunis pour demander que leur région se développe. En tout cas, rien ne justifie l'embrasement sans précédent qui se produit à Siliana: la brutalité policière. Matraquaque, tabassage en règle d'individus, gaz lacrymogènes à volonté, descente nocturne à l'hôpital en salle d'opérations, tirs à la carabine (une arme fort peu policière) au visage des protestataires. Bilan : plus de 300 blessés, dont une trentaine transportée à Tunis afin de se faire soigner les yeux criblés de chevrotine. Certains ont perdu la vue. À cette répression, le Premier ministre Hamadi Jebali a répondu que “le ‘dégage' c'est fini" et que les manifestants étaient soient des voyous soient des opposants politiques. Cette forme de non recevoir ressemble à celle de Ben Ali en janvier 2011 lorsqu'il faisait dire par certains journalistes de Watanya 1 que la plupart des Tunisiens étaient choqués par cette violence des services de sécurité et, du coup, a suscité tout un débat à la Télé. Le plus étonnant est que six voitures de police débarquent à l'hôpital de Siliana durant la nuit, et que les agents du MI fassent irruption pour arrêter des blessés en cours d'opération. Depuis la fin de la dictature, ce genre d'attitudes semblait interdit. Le parti au pouvoir, Ennahdha, en a décidé autrement. En reléguant aux calendes grecques les élections (au mieux en 2014), en faisant traîner la rédaction d'une nouvelle Constitution avant la fin du mandat de l'Assemblée constituante. A un doigt, la Tunisie était au bord d'une seconde révolte populaire comme celle de janvier 2011. Si les choses continuent à ce rythme, la Tunisie risque fort de connaître une période qu'a vécue l'Algérie et que beaucoup de pays ne faisaient que regarder pour ne pas dire se frottaient les mains.