“Je rassure les Tunisiens que je ne démissionnerai pas et j'assumerai toutes mes responsabilités jusqu'à la tenue des prochaines élections, partant du principe de la continuité de l'Etat", a souligné le président Moncef Marzouki. “Calmez-vous mes amis, mes frères, mon peuple ! Je ne démissionnerai pas ! Nous vivons, certes, une période difficile ! Mais c'est une période créatrice ! Vous êtes en train de souffrir, j'en suis convaincu ! Mais, deux années, ce n'est pas assez ! Attendez pour voir ! J'ai beaucoup de respect pour mon frère et ami Hamadi Jebali, qui est en train de faire du “beau travail", a déclaré lundi soir le président de la République Moncef Marzouki dans son discours au peuple tunisien. Voilà, tout est dit ! Tout, pour calmer les craintes du Tunisien. Ce Tunisien qui s'est montré indifférent à son discours comme d'habitude. Il faut dire qu'une bonne partie du peuple tunisien ne le porte plus dans son cœur. Et le président enchaîne : “Et puis ceux qui ne sont pas contents, ils n'ont qu'à aller voir ailleurs. En Egypte, ou en Libye, par exemple, où les choses sont pire que chez nous". Beau discours d'anthologie, qui restera à jamais dans les annales de la politique internationale, et qui sera longtemps enseigné aux aspirants politiciens, pour leur apprendre la façon de faire traverser, gaillardement, à son peuple une passe difficile. Le chef d'Etat tunisien s'est arrêté sur les principales questions faisant objet d'une actuelle polémique sur les scènes politique et socio-économique de son pays, notamment le remaniement ministériel retardé, les tiraillements politiques, les divergences de vue au sein de la coalition au pouvoir ainsi que les dossiers prioritaires à traiter et les défis à relever. Bien qu'il ait démenti toute tentative de mainmise de certaines parties politiques sur le pouvoir en Tunisie, M. Marzouki a avoué que son pays passe actuellement par une période de “crise gouvernementale" étroitement liée au remaniement ministériel qui ne voit pas encore le jour. Toutefois, “il ne s'agit pas d'une affaire personnelle ou encore de quotas politiques mais plutôt d'une affaire de politiques gouvernementales plus sévères pour tout ce qui est corruption, réformes économiques et dossiers des martyrs et blessés de la Révolution", pour reprendre les expressions du président Marzouki. Globalement, Marzouki voulait uniquement démentir dans son discours les rumeurs persistantes qui faisaient état de sa probable démission. Quatre députés représentant la Troïka et l'opposition, invités au plateau de la chaîne TV Hannibal pour débattre du discours du Président, ont, à quelques nuances près de celui d'Ennahda, critiqué dans le fond et la forme l'intervention du Président. Pour eux, M. Marzouki est de plus en plus décevant, et s'attendaient à ce qu'il parle des vraies solutions, notamment politiques, pour endiguer la crise que traverse le pays, d'une part, et trouver une issue aux consultations sur un remaniement, d'autre part. Le refus du parti islamiste Ennahda de renoncer à certains ministères régaliens après son succès aux législatives, fragilise la coalition au pouvoir, confrontée à la montée du malaise social et des violences. La crise politique amplifie en Tunisie, faute de compromis entre les trois partis de la coalition gouvernementale. Le Congrès pour la République (CPR), du président Moncef Marzouki, et Ettakatol, la formation dirigée par le président du Parlement Mustapha Ben Jaafar, menacent de claquer la porte si leurs alliés islamistes d'Ennahda, grands vainqueurs des législatives d'octobre 2011, refusent de céder plusieurs ministères régaliens. Les consultations sur un remaniement réclamé par la classe politique avaient commencé il y a plusieurs semaines, jusqu'à ce que le Premier ministre Hamadi Jebali dresse, le 26 janvier, un constat d'échec. Ennahda refuse de limoger le ministre de l'Intérieur, Ali Larayedh, critiqué en raison de la montée des violences politiques et sociales, celui de la Justice, Nourredine Bhiri, ainsi que le chef de la diplomatie, Rafik Abdessalem, impliqué dans un scandale de corruption. Ce dernier est également le gendre de Rached Ghannouchi, cofondateur et président d'Ennahda. Le CPR a donné une semaine au Premier ministre pour exclure les trois ministres mis en cause, faute de quoi il se retirera du gouvernement. Hamadi Jebali, qui représente l'aile modérée d'Ennahda, souhaite confier ces trois ministères à des alliés politiques ou à des indépendants, mais les “faucons" du parti s'y opposent. Signe de ces luttes intestines, Lotfi Zitoun, conseiller politique très controversé du Premier ministre et proche de Rached Ghannouchi, vient d'annoncer sa démission, arguant qu'Ennahda n'avait rien à gagner dans un remaniement. Dans une volonté de désamorcer la crise qui oppose aujourd'hui les différents partis de la Troïka, Marzouki affirme qu'aucune partie n'a l'intention d'accaparer le pouvoir. “Nous sommes dans un même bateau. S'il coule, nous coulerons tous ensemble", a-t-il ajouté. Et maintenant que le navire commence à sombrer irrémédiablement, les rats cherchent à quitter le rafiot. I. O.