Le gouvernement a pris l'irrévocable décision en 1998 de dissoudre le Centre Algérien des Arts et de l'Industrie du Cinéma(CAAIC), de l'Entreprise Nationale de Production Audiovisuelle(ENPA), pourtant bénéficiaire, et de l'Agence Nationale des Actualités Filmées(ANAF), tout en préconisant de créer un nouvel organisme devant prendre en charge la relance de l'activité cinématographique. Depuis, « l'Algérie ne dispose pas de laboratoire de montage de films » avait déclaré en 2011 la ministre de la culture Khalida Toumi, rappelant que « le laboratoire de l'ex-ENPA a été cédé à la télévision nationale qui n'en a même pas besoin puisque ce même laboratoire a été conçu pour le 35mm ». C'est justement à ce sujet que le Forum culturel d'El Moudjahid a dédié un numéro hier sur le thème « la courte expérience du laboratoire cinématographique en Algérie » avec comme invités le cinéaste et ex-DG de l'ENPA, Lamine Merbah, le directeur du Centre du Cinéma Algérien(CNCA), Karim Ait Oumeziane et le producteur Rachid Dechimi. Faut-il donc relancer la création d'un laboratoire du cinéma ? Le directeur du CNCA répond tout de suite par l'affirmatif argumentant « qu'un tel organisme aura au moins le mérite de faire gagner du temps sachant qu'entre le temps du transfert d'un film et toutes les démarches qui suivent, il faut compter deux à trois mois. C'est d'ailleurs une telle situation que nous vivons actuellement dans le cadre de la convention avec le laboratoire français Eclair. Le cinéaste des « Déracinés », s'en va, pour sa part, sur la barque de la nostalgie pour non seulement appuyer ce projet mais il saisit l'occasion de pointer du doigt les responsables de cette décision « irresponsable » de dissoudre un laboratoire utile à plus d'un titre. « Jusqu'en 1978, le montage ou le développement des films se faisaient en France. Cette situation nous valait de laisser nos archives dans ce pays. Faut-il rappeler que les négatifs de toutes les images versées depuis l'indépendance sont toujours entreposés à l'INA de France ? S'agissant d'une question de souveraineté, le gouvernement algérien avait envisagé de prendre en charge ce volet localement notamment pour ce qui était en rapport avec les archives de l'ANP. C'est ainsi que le projet de création de l'ENPA était né. Cette entreprise avait pour mission la prise en charge de la production télévisuelle mais aussi le 35mm. Dés 1992 nous étions donc en mesure de traiter et achever les productions des courts et longs métrages », explique-t-il. Néanmoins, ce laboratoire commençait selon le réalisateur des « Déracinés » à déranger certaines parties. « Le laboratoire n'était pas le bien venu dans le paysage européen. Les causes sont simples, confie-t-il : nous avions des possibilités de s'ouvrir à l'Afrique, la chasse gardée de la France notamment, et même aux pays arabes. Les négatifs devaient par conséquent rester en Algérie et cela n'était pas du gout de l'autre coté de la Méditerranée. Mieux, on envisageait le rapatriement de nos négatifs se trouvant en Europe, et là aussi c'était un projet qui dérangeait ces pays. Notre objectif c'était d'une part cesser la saignée en devises et d'autre part garder les archives chez nous ». le cinéaste énumère quelques titres totalement développés localement comme « Le clandestin », « Sahara blues », « le troisième acte », « Radia », réalisé par Lamine Merbah dont il s'est servi pour montrer la réussite de ce laboratoire. Mais le plus dur à avaler pour ce dernier c'est la décision du gouvernement de l'époque d'opter pour l'achat de Micro Stampa, un laboratoire italien en faillite et qui devait se convertir à la vidéo. « On dérangeait ceux qui voulaient acheter Micro Stampa », s'écrie-t-il. Totalement à l'opposé, Rachid Dechimi, pense que la création d'un laboratoire aujourd'hui est inutile pour la bonne raison que la technologie avance énormément dans ce domaine que même des laboratoires de renommée ferment l'un après l'autre. Il explique le numérique a pris le dessus à tel point que le kinoscopage n'est plus nécessaire. « A présent, c'est insensé d'avoir un laboratoire car la problématique de la rentabilité se pose », dira-t-il en donnant l'exemple peu réussi du laboratoire marocain où le film de Si Mohand Oumhand a été développé. Pour ce dernier il n'est pas question pour lui de tourner en 35mm. Ce à quoi répond Lamine Merbah : « avec la Vidéo, on ne peut assurer de bonnes archives ». A F