Le quartier de Kouba a vécu ce vendredi, un après-midi mouvementé. Des scènes d'émeutes dont il se serait bien passé, surtout lorsqu'on sait que la cause avouée était de soutenir la population meurtrie de Gaza Tout avait, pourtant, bien commencé. Une journée printanière qui fait dire à un Koubéen, attablé au café “c'est une belle journée pour marcher". Un autre était formel : “La marche est autorisée, je l'ai entendu dans le journal de 20 heures", tout en nous montrant le fil d'information d'Al-Jazzera. Au quartier Appreval, fief des salafistes, la mosquée El-Bakoune Aâla El-Ahd (les fidèles au serment) affiche complet pour la circonstance. Dans son prêche, l'imam évoque les souffrances de la population de Gaza et la résistance des Palestiniens à l'agression israélienne. Mais il ne mentionnera point la marche prévue juste après la prière. Une fois la prière accomplie, les fidèles sortent dans la rue, se regardent dans les yeux, comme pour chercher leur guide. Après quelques minutes d'hésitation, la foule se met en marche, scandant les slogans de l'ex-Fis. La rue, jusque-là déserte, voit surgir des voitures de police d'on ne sait où. Un premier barrage freine l'avancée des marcheurs, à quelques mètres seulement de la mosquée. Il n'aura pas fallu longtemps pour que ce premier barrage cède devant la pression de la foule. Cette dernière, de plus en plus importante, sera stoppée à proximité du commissariat de Kouba, en face du stade de Ben-Haddad, où un impressionnant dispositif sécuritaire est déployé. Tandis que les uns tentaient de palabrer avec les policiers, d'autres commençaient déjà à montrer des signes d'impatience. Des pierres sont tirées en direction des policiers. Un islamiste monte sur le toit d'un fourgon de police pour prier les jeunes à ne pas lancer de pierres et à garder leur calme. “C'est une marche pacifique" scandait une partie de la foule. Mais à mesure que le temps passait, que les renforts de policiers, mais aussi de jeunes curieux et des voleurs du coin arrivaient, la tension montait d'un cran. Des jets de pierres commençaient, alors, à fuser de partout, obligeant les forces de sécurité à riposter, tantôt par des gaz lacrymogènes et tantôt par des jets de pierres. Quelques casseurs sont interpellés, alors que le gros des troupes avait compris qu'il fallait battre en retraite et que la marche n'aura pas lieu. Les plus téméraires téléphonent à leurs amis et connaissances pour savoir si, ailleurs, la marche a eu lieu. Beaucoup se dirigent vers la Place du 1er- Mai, où leur dit-on, les gens continuent à marcher. D'autres avancent que les marcheurs sont bloqués à El-Harrach, alors certains affirment que la Place des Martyrs est pleine à craquer et que tout le monde est en train d'y converger. Mais la plupart avaient déjà déserté les lieux, au début des affrontements, laissant le terrain aux badauds, habitués aux violences dans les stades, d'en découdre avec les forces de sécurité. Des jeunes Koubéens n'ont pas manqué de faire remarquer que les slogans de l'ex-Fis n'avaient pas leur place dans cette manifestation “ce n'est ni le lieu ni le moment pour faire de la politique", lance un jeune à ses amis adossés au mur du stade de Ben-Haddad. Un autre jurait, à qui voulait l'entendre, que “si on les avait laissé marcher, il n'y aurait pas eu de casse". Pas si sûr, lorsque l'on constate que, parmi la foule, il n'y avait aucune organisation, aucun objectif. Personne ne savait où la marche devait mener. Personne n'avait de slogans bien déterminés. Au lieu d'une marche de solidarité avec le peuple de Gaza, on a eu droit à un défilé de jeunes désœuvrés, pour qui les manifestations sont un défouloir. Les échauffourées qui se sont déroulées dans le périmètre du commissariat de Kouba n'ont pas fait de gros dégâts, ni de blessés graves, mais ont laissé un goût amer chez bon nombre de Koubéens qui estiment que la cause palestinienne n'avait pas besoin de ce spectacle affligeant. Un peu plus bas, dans le quartier de Haï El-Badr (ex-Lotissement Michel), et alors que les choses se calmaient à Kouba, des grappes de jeunes, venus de Bachdjarrah et de Bourouba, continuaient à marcher vers Hussein-Dey, donnant l'impression qu'il s'agissait d'un banal match de football, devant le regard hagard des habitants du quartier partagés entre la déception de ne pas assister à une véritable marche de soutien à Gaza et la colère contre le comportement des badauds incontrôlables qui ont tout gâché. A B