Un disque aérien, un son captivant et une oscillation entre les sonorités d'ici et d'ailleurs, avec une ouverture sur le reggae, le jazz, le dub et même la musique gnaoua. Il y a quelque chose de très moderne, mais, en même temps, de très authentique dans le premier album éponyme de Dendana – formation créée à Paris en janvier 2012 par Nassim Dendane – sorti, hier, en Algérie, aux éditions Padidou. Un disque aérien, de douze titres, où se mêlent plusieurs influences, avec une certaine perméabilité aux vents d'ici et d'ailleurs. Inclassable et parfois insaisissable, on est pourtant captivé par ce disque, dans lequel se concrétise une fusion harmonieuse entre des sons méticuleusement choisis et des textes, parfois revendicatifs, où se mêlent colère, espoir et amour. Des mélanges explosifs qui s'accordent parfaitement grâce à de brillants arrangements, une approche contemporaine de la musique ouverte sur la fusion, un certain intérêt pour l'expérimentation, un ancrage dans ce qui est appelé “Musiques du monde", et l'exploration du patrimoine musical algérien. Le voyage musical que nous offre Dendana commence par “Intro", un morceau où l'on décèle, au départ, des bruits et des sons, un peu étranges. C'est dans ce morceau que se concrétise l'identité du disque : cette atmosphère d'étrange et d'inattendu, qu'on retrouvera tout au long de notre écoute. Mais c'est le titre “Dendana" qui donne le ton et inscrit le groupe dans une démarche de fusion, où se croisent les centres d'intérêts musicaux de la formation : jazz, dub, reggae. On découvre également le morceau “Aux âmes", où l'on croit reconnaître du jazz, au tout début, puis l'atmosphère change ; elle devient de plus en plus rythmée... Exaltée et exaltante ! Pareil pour le titre “Hey", qui nous invite à faire une sorte de parallèle entre l'univers de Gnawa Diffusion, celui de Manu Chao ou de Tryo, avec celui de Dendana. Les accents revendicatifs de cette chanson, qui dénonce la corruption et certains malaises dans la société, ne font que conforter notre constat, mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises ! Le rythme baisse d'un cran, la voix écorchée de Nassim Dendane se veut profonde, et son chant langoureux et plaintif dans “Peuple sans voix", un morceau rehaussé par une orchestration sobre, piano-voix. Dans cet album qui regorge de surprises, on découvre deux belles reprises : “Galou" à laquelle Nassim Dendane donne des accents parfois d'Afrobeat, et une version étonnante du morceau “El-Ghomari" (chanson écrite dans les années 1970). Le texte conserve toute sa beauté et prend des accents modernes grâce à la batterie, à la basse et à la guitare. Cette modernité n'affecte en rien l'authenticité de la chanson, car les musiciens de Dendana [Nassim Dendane (chant, guitare), Lionel Patrix (clavier), Luigi Legendre (batterie), Slim Abida (basse), Elhadi Elhassar (voix, composition, arrangements)] ont trouvé le parfait équilibre, entre une modernité assumée et une tradition, source intarissable d'inspiration. Des fusions réussies, il y a, dans l'album, le titre “Ya Qalbi". Nassim Dendane (auteur-compositeur de tous les textes de cet album, sauf “Aux âmes", “Dendana" et Ifrikya" qu'il a coécrit avec Elhadi Elhassar), a repris le refrain du standard andalou “Ya Qalbi khelli hal", et a greffé des couplets en français, racontant une malheureuse histoire d'amour. Une rencontre réussie entre un son presque orientalisé, des instruments occidentaux, une interprétation douce et mesurée et un joli texte. “J'ai repris ‘Ya Qalbi' car je voulais parler d'une histoire d'amour qui s'est passée à Tlemcen, et à ce moment-là, j'étais déjà en France. Donc j'ai choisi un air de musique pour déterminer le lieu, et le texte s'en est rajouté pour déterminer le temps de l'histoire", nous expliquera Nassim Dendane concernant cette chanson. En somme, dans ce premier album de Dendana, où l'on retrouve également “Moon" et “Rani mrid", la parole ne vient jamais troubler l'harmonie entre les instruments, qui sont mis en valeur, et la musique qui est reformulée, renouvelée en permanence. S K