Il était parti il y a deux mois pour ne revenir qu'hier mais sans vie, en état de décomposition, dans un camion frigorifique qui avançait lentement vers son domicile familial, à Tala Khelil, sous les pleurs inaudibles des hommes et les cris déchirants des femmes qui attendaient par centaines, voire des milliers, l'arrivée de la dépouille. Le jeune Laceuk Ali, retrouvé assassiné et jeté au fond d'un puits à Naciria, devait transiter pour quelques minutes, et pour une dernière fois, par la demeure familiale avant de rejoindre ses trois meilleurs amis au cimetière du village. Ces derniers ont laissé leur vie dans un accident de la circulation duquel le jeune Ali a échappé de justesse il y a deux ans, mais suite auquel il n'arrivait plus à s'en remettre. Ali a échappé à une mort certaine suite à cet accident mais le voici rattrapé par des mains criminelles. Son frère Khaled a usé de tout son courage et sa sagesse, esquissant même quelques sourires qui cachaient mal sa douleur, pour nous parler à la fois de son frère et de son assassin. “Il devait fêter ses 25 ans mercredi dernier, jour de la découverte de son cadavre en décomposition qui est remonté du fond du puits", raconte Khaled. Ironie de l'histoire ! “La justice n'a rien fait. Les enquêteurs aussi. Ali est remonté seul du puits pour réclamer justice", enchaîne Khaled, rappelant que son meurtrier a été déjà arrêté puis relâché à l'issue d'une enquête que tout le monde considère comme bâclée. Il était 15h et le cercueil, déposé à peine durant une vingtaine de minutes dans le garage, devait déjà quitter la demeure des Laceuk à destination du cimetière. Tala Khelil crie à nouveau comme un seul homme, pleure de toutes ses larmes son enfant. Il y avait plus de colère et de tristesse dans l'air que d'oxygène à respirer. La foule semble étouffer. Khaled aussi, lui qui connaissait si bien le meurtrier de son frère. “Je l'ai connu en France où je l'avais pris en charge jusqu'à ce qu'il décide de rentrer au pays", raconte-t-il, se souvenant même qu'il lui a offert 500 euros au moment de son départ. Lui c'est Mourad B. À Naciria, on le surnomme Moh El-Kelb, nous explique-t-on dans l'entourage de la victime. Il avait des liens familiaux au village Tala Khelil, ce village de Béni Douala, où étant de passage après son retour de l'Hexagone, il a rendu visite à Ali. “C'était là qu'il a connu mon frère avec qui il a gardé contact par téléphone", raconte encore Khaled, ajoutant que c'était avec lui qu'il a discuté la dernière fois avant de disparaître. “Avant de quitter la maison, mon frère avait indiqué que c'était ce Mourad qu'il allait rencontrer près du barrage Taksebt où il lui avait fixé rendez-vous. Depuis, aucun signe", ajoutera-t-il. “On l'a appelé et il a nié qu'il avait rencontré mon frère, il nous disait qu'il l'avait attendu, mais qu'il n'était pas venu, mais on était tous convaincus qu'il était pour quelque chose dans cette disparition", a-t-il ajouté. Il est 16h. Le cimetière du village était noir de monde. Le cercueil a été déposé à l'intérieur du monument des 33 martyrs du village pour la prière du mort avant de l'enterrer entre deux oliviers où il repose désormais aux côtés de ses trois amis. Nous quittons Tala Khelil et ses larmes mais pas le sentiment d'avoir eu affaire à une affaire qui noircira encore un peu plus le travail de la justice algérienne. S L Nom Adresse email