“Au Japon, explique le Pr Nariai, ce sont la politique politicienne et la défense des intérêts acquis qui prévalent dans la prise de décisions politiques et dans leur application”. Au Japon, on les appelle “les forces d'obstruction”. Elles sont arrivées même à bloquer le gouvernement actuel conduit par M. Junichirô Koizumi, pris en otage par ces forces qui se trouvent même au sein de son propre parti, et qui agissent pour le compte de certains intérêts maffieux. La crise politique qui secoue actuellement le Japon a permis de mettre à nu l'existence de ces forces visiblement très influentes au sein des pouvoirs des centres de décisions. L'une des facettes de ce phénomène apparaît notamment dans la levée de boucliers de certains “milieux” contre les réformes qu'envisage d'entreprendre le gouvernement pour régler le problème des prêts non recouvrés par les banques auprès des sociétés qui se sont retrouvées en difficulté. Par la suite, d'autres “milieux” sont, à leur tour, montés au créneau pour reprocher publiquement au chef de l'exécutif japonais d'avoir commencé à faire marche arrière dans la mise en œuvre des réformes, considérant cela comme “des concessions faites aux forces d'obstruction”. Une situation qui explique, en grande partie, le statu quo qui règne actuellement sur la scène politique et économique dans un pays pourtant considéré comme l'un des plus libéraux et démocratiques au monde. Le cas des entreprises de construction est édifiant. En effet, la plupart des sociétés endettées, et donc candidates à la dissolution, sont issues de ce secteur très actif durant une certaine période. Cependant, malgré ses nombreux côtés positifs, le système politique japonais souffre d'un mal qui ne cesse de le ronger, à savoir la mainmise et l'influence qu'exercent des lobbies douteux sur les membres du Parlement qui possèdent l'essentiel du pouvoir. Le système politique japonais est à quelques différences près, une monarchie parlementaire. C'est donc à travers ces hommes politiques, terrés dans le Parlement ou à l'intérieur même des formations politiques influentes, que les “milieux” agissent sur la politique de l'exécutif. C'est ce qui explique l'expectative dans laquelle se trouve le gouvernement de Koizumi, qui hésite à déclarer la faillite de ces centaines d'entreprises non rentables et qui continuent à réclamer des aides aux autorités, alors qu'elles ne se sont pas encore acquittées des dettes contractées auprès des banques. pourtant, ces dernières souffrent beaucoup de cette situation de créances non recouvrées. Pour la seule année 2001, 9 sociétés de crédit et 37 coopératives de crédit ont fait faillite. “Au Japon, explique le Pr Nariai, ce sont la politique politicienne et la défense des intérêts acquis qui prévalent dans la prise des décisions politiques et dans leur application”. Le propos est sec et grave, mais il a le mérite d'être aussi clair que l'eau de roche. Le Japon demeure encore un pays prospère grâce à la croissance engrangée durant des décennies d'essor économique, mais si ces pratiques clientélistes persistent, la seconde puissance économique mondiale, comme le dit si bien le Pr Nariai court tout droit vers sa “perte”. H. S.