En se rendant à Washington où les attendait Barack Obama qui les avait conviés à un sommet qui devait être consacré aux échanges économiques et commerciaux, les dirigeants africains ne s'attendaient certainement pas à être épinglés sur la qualité de leur mode d'accession au pouvoir et sur leur manière de l'exercer, encore moins sur leur goût trop prononcé pour la présidence à vie. Un goût très largement partagé en Afrique, au demeurant. Ils partaient à la rencontre du "premier président noir des Etats-Unis", un enfant prodige de leur continent et c'était plutôt rassurant, voire gratifiant. Quant à Obama, il allait être, se disaient-ils sans doute, submergé par l'émotion de les recevoir à la Maison-Blanche, lui dont le papa est parti un jour du Kenya à la conquête de la lointaine Amérique. Ils en avaient oublié l'essentiel : le pragmatisme américain, celui-là même qui vaut aujourd'hui au fils d'un Africain d'être le number one de la Maison-Blanche. Celui aussi qui permet à John Kerry de les tancer en les appelant crûment à se départir de leur gouvernance calamiteuse. Atteinte aux libertés et aux droits de l'Homme, corruption, empêchement de toute alternance au pouvoir, par la fraude électorale, par la trituration des constitutions ou par la violence armée, tout y est passé. Tout cela dans un continent réputé riche, mais où la pauvreté galope et les maladies prospèrent, sur fond de coups d'état à répétition et de guerres civiles. Tout y est passé, ce lundi à Washington, et nos dirigeants d'Afrique en ont eu les oreilles écorchées. Au point qu'il devait se trouver, parmi l'auditoire d'Obama et de Kerry, quelques-uns qui ont dû regretter de ne pas avoir fait le choix de rester chez eux. Cela ne les a pas empêchés d'applaudir à tout rompre. Sans conviction, cela s'entend. Comme pour jouer le rôle qui leur est assigné dans une kermesse qu'ils savent sans lendemain. Ils savent que, chez l'oncle Sam, les choses sérieuses ne commencent que lorsque les multinationales entrent en scène, à la recherche de gros contrats. Car ils savent aussi, revers de la médaille, que le pragmatisme américain a aussi son côté mercantile et non moins pervers : dans la balance, les dividendes économiques et commerciaux pèsent bien plus que les libertés, les droits de l'Homme et l'alternance au pouvoir. Et chacun sait que, si les Africains sont pauvres, l'Afrique, elle, est riche et "généreuse". Il faut peut-être se souvenir que le même John Kerry était à Alger, deux semaines avant la dernière élection présidentielle qui allait ouvrir la voie à un quatrième mandat consécutif pour Bouteflika. Nom Adresse email