En dépit de leur surqualification par rapport aux hommes, rares sont les femmes qui accèdent à des postes de responsabilité. On ne se lasse pas de s'enorgueillir dans notre pays de l'égalité institutionnelle qui garantit aux femmes comme aux hommes les mêmes chances d'accès à l'emploi. Certes, la loi dans ce domaine précis et dans beaucoup d'autres, telles la scolarisation des filles et la démocratisation du système de santé, a énormément contribué à l'émancipation de la femme et à sa promotion. Cependant, dans la réalité, en dépit de statistiques très honorables qui attestent la surqualification du sexe faible à tous les paliers de l'enseignement, le monde du travail demeure imperméable à cette grande avancée. Critères subjectifs de recrutement, poids des préjugés qui cantonnent la femme dans la sphère domestique et dans la reproduction, conservatisme administratif, harcèlement moral ou sexuel..., tout est fait afin que le travail féminin soit réduit à une exception tout juste acceptable. Lors d'un séminaire de l'lnstitut national du travail (INT) sur la question qui se tient depuis hier à l'hôtel El-Djazaïr, une juriste, Mme Graba, a emprunté aux sociologues américains des années soixante une expression qui résume toute l'étendue de cette discrimination dans l'emploi : le plafond de verre. Ségrégation insidieuse qui se moque des lois, mépris de la compétence des femmes, création d'obstacles à leur promotion, au-delà d'un seuil, les travailleuses, les cadres notamment, ne peuvent prétendre à de hautes responsabilités. Là encore les discours pompeux, comme celui qu'a servi en début des travaux le ministre du Travail et de la Protection sociale à l'assistance, peuvent occulter la réalité. En effet, dans son intervention, Tayeb Louh n'a pas tari d'éloges sur les efforts fournis pour favoriser l'accès des femmes à des postes d'autorité. Outre la désignation de femmes ambassadrices, de présidentes de cours, de recteurs, de chefs de daïra et d'une wali, il a indiqué que durant ces dix dernières années, 17 ministres femmes sont comptabilisées. Pourtant, à d'autres niveaux, l'on ne compte qu'une trentaine de députées sur un effectif global de 396, et 64 élues locales sur un total de 1 870. À qui la faute ? Aux mentalités rétrogrades, ont répondu en chœur les participantes du séminaire. Dans son exposé, Mme Graba a fait mention du code de la famille qui maintient la femme dans une condition de mineure. “C'est au niveau du statut juridique de la famille que se situe la discrimination entre les deux sexes”, a-t-elle affirmé. Encore aujourd'hui, hélas, les Algériennes sont en grande partie empêchées d'exercer leur droit au travail. Elles représentent – et c'est le ministre qui le dit — 15, 03% de la population active. Souvent, elles sont cantonnées dans des secteurs spécifiques tels que l'éducation et la santé, où elles constituent 40,01% des effectifs. Dans la pratique médicale, les praticiennes sont majoritaires. Toutefois, rares sont celles qui font une brillante carrière. Dans tous les secteurs d'activité où elles sont pourtant connues pour être qualifiées — détentrices d'un niveau secondaire et plus —, les femmes sont peu considérées. Si bien que l'on ne recense actuellement que 3% de dirigeantes et de hauts fonctionnaires ainsi que 6% de responsables d'entreprises. Comparativement aux pays voisins, la Tunisie et le Maroc, où le taux d'emploi féminin est beaucoup plus important, l'Algérie semble avoir mal rentabilisé ses politiques progressistes d'égalité des sexes. Selon une autre intervenante de la rencontre initiée par l'INT, la précarité de l'emploi et le chômage endémique ont accentué davantage les blocages. Pour autant, l'espoir n'est pas éteint. Beaucoup parmi les participantes ont insisté sur le fait que les femmes ne désarment pas. Outre leur bastion, la médecine et l'éducation nationale, elles investissent lentement, mais sûrement, d'autres créneaux. S. L.