Une contestation sociale à répétition, erratique et récurrente, parfois gauche, est bien le signe d'une nouvelle réalité imposée dans les faits. Les syndicats autonomes, reconnus ou non, n'ont pas l'intention de baisser la garde ni de se laisser intimider par les récentes mises en garde du gouvernement contre ce qu'il estime être un usage excessif du droit de grève, notamment dans certains secteurs réputés sensibles. C'est apparemment le sens du message qu'ont voulu faire passer, hier, des responsables syndicaux qui se sont distingués, ces dernières années, par des luttes, des épreuves de force, des bras de fer qui, s'ils leur ont valu parfois la répression des autorités, ont souvent été suivis avec sympathie par l'opinion publique. Pourtant, la cause qu'ils ont portée et défendue, celle des libertés syndicales au sens large, a progressé de façon inégale en proportion, semble-t-il, avec la maturité et le degré de combativité différents d'un secteur à un autre. Le fait qu'aujourd'hui ces syndicats veuillent faire le point, se jauger en prenant le risque d'une confrontation, traduit l'existence et la persistance d'un large malaise social. Certes, ce malaise ne correspond pas nécessairement à cette agitation de front social que craignent les gouvernements, mais il est là et il doit obliger à la prise en compte d'une réalité indéniable : celle d'une problématique sérieuse du devenir syndical dans ce pays. Une contestation sociale à répétition, erratique et récurrente, parfois gauche, est bien le signe d'une nouvelle réalité imposée dans les faits. En un mot, le pluralisme syndical a bel et bien supplanté la représentation unique du monde du travail, survivance traînarde du parti unique. Les autorités politiques ont-elles pris conscience de l'émergence de nouvelles représentations syndicales, mobilisatrices de larges couches de travailleurs et désireuses de s'imposer en interlocuteurs et partenaires ? On n'a pas l'impression qu'il existe une position unique, partagée par les gouvernants partisans tout au plus de la vieille recette du bâton et de la carotte et ne concédant au dialogue qu'après avoir pris la mesure des “nuisances” susceptibles d'être provoquées. Dans ces conditions, la tentation de restreindre le droit de grève par la menace judiciaire est une réaction trop facile, mais en même temps, elle paraît bien aléatoire et dérisoire tant elle ne fait que reculer l'inéluctable échéance, la seule qui soit, une vraie reconnaissance du pluralisme syndical. A. H.