L'introduction de la licence d'importation dans le commerce extérieur reste une mesure conjoncturelle à "faible efficacité". Elle devrait être insérée dans une stratégie "globale" dont les effets seraient "évalués" et "corrigés" (les produits éligibles et non éligibles à des autorisations préalables d'importation ne sont jamais définitives), comme l'explique Kouider Boutaleb, économiste. Des décisions de cette nature, ajoute-t-il, doivent être "murement réfléchies". Et, d'affirmer que si le pays voulait limiter la facture des importations en agissant sur les volumes des produits importés, il faudrait associer cette mesure à toute une stratégie de substitutions de produits locaux aux produits d'importation. A l'évidence, il ne suffit pas d'édicter des mesures à caractère administratif pour résoudre une équation d'essence économique, d'autant plus que dans le contexte institutionnel qui est le nôtre, il est marqué par la corruption endémique. Et, cela risque d'amplifier plutôt le phénomène et d'altérer l'impact d'une telle mesure. Boutaleb schématise que les pouvoirs publics peuvent mettre en place des "systèmes de quotas" par le biais de licences. Il s'agit d'autorisations portant sur le droit pour leur détenteur d'importer une certaine quantité d'un bien donné. Il relève que l'Etat peut "vendre" ces licences ou les mettre aux "enchères" auprès des importateurs intéressés et qu'il peut également les "délivrer gratuitement" en fonction de critères administratifs. À titre d'exemple, poursuit-il, les Etats-Unis ont mis en place un quota d'importation de fromages étrangers. Seules certaines entreprises ont dès lors le droit (la licence) d'importer qu'une certaine quantité par an. L'économiste souligne que l'Etat intervient au moyen d'instruments "directs" ou "indirects" avec des objectifs variés mais qui concourent tous à "assurer" les équilibres rompus (dans le contexte qui est le nôtre, il s'agit d'un objectif ultime). Smaïl Lalmas, président de l'ACE (Algerie conseil export), développe une vision analogue par bien des aspects, au point de vue de Boutaleb. Il estime ainsi que les Etats interviennent, très souvent dans le commerce extérieur au moyen d'instruments de protection "directs" ou "indirects", et ce, avec des objectifs "variés". Les plus courants, ajoute-t-il, visent à "réguler" et à "contrôler" la facture des importations, à "protéger" la production locale, et à la "diminution" du déficit commercial. Des pays dit libéraux, même leader de cette doctrine libérale, comme les Etats-Unis, le Japon, l'Angleterre et autres, ont recourt à certaines formes de "protectionnisme", invoquant une "concurrence déloyale" ou des pratiques de "dumping". Mais, une licence d'importation est-elle une solution salvatrice ? Pour le président d'ACE, cette mesure va créer un "désordre important" dans un marché qui sort totalement du contrôle de l'Etat, provoquant une situation "de pénurie" qui conduira de fait, à une "flambée des prix" qui touchera automatiquement le pouvoir d'achat des citoyens. Aujourd'hui, note-t-il, c'est la logique du marché qui prévaut avec l'un de ses principes, la liberté des prix, soumis à la règle de l'offre et de la demande, un marché "sous le diktat des grands commerçants, importateurs, spéculateurs et autres acteurs, en l'absence du rôle régulateur de l'Etat". Aussi, est-il temps d'organiser le secteur du commerce extérieur, l'inscrire dans une autre démarche, parce que les mesures restrictives comme les licences d'importation ont, souligne le spécialiste, montré "leurs limites par le passé" et joui d'un "discrédit certain" auprès des différents acteurs et opérateurs économiques nationaux. Smaïl Lalmas recommande que d'autres formes de protectionnisme peuvent être actionnées de façon "intelligente" et "ciblées" par familles de produits ou par secteurs d'activités. Il en cite quelques exemples : "l'interdiction pure et simple" de l'importation de certains produits, à l'image des "listes de médicaments produits" en Algérie et "prohibés" à l'importation, avec un accompagnement adéquat, pourrait éventuellement donner des résultats non négligeables, la définition de normes plus strictes pour certains produits importés est également une piste à explorer. Y. S.