Le Premier ministre irakien lance le pari de juger à partir de la semaine prochaine les dignitaires de l'ancien régime. Cependant, le président du tribunal est en fuite et l'instruction de l'affaire est à son point mort. Alors que le jugement de Saddam ne semblait pas constituer une priorité pour le régime de Allaoui, ce dernier a annoncé hier que le procès se tiendra à partir de la semaine prochaine. Ces déclarations viennent contredire les propos de son conseiller à la sécurité national Mouwaffak Roubaie. Celui-ci laissait entendre que cette affaire pourrait être repoussée à 2006. Ainsi, celui qui devait juger l'ancien président irakien est maintenant recherché par la justice pour meurtre. La fuite de Salem Chalabi, le cousin d'Ahmed Chalabi, qui avait mis sur pied l'institution judiciaire chargée de préparer le procès de Saddam Hussein, est-elle l'unique raison du report à une date indéterminée de cette affaire ? Certes, la difficulté à maintenir opérationnel ce tribunal déserté par ses magistrats est une des raisons du retard, mais la situation sécuritaire incontrôlable prévalant actuellement à travers le pays ne laisse pas le temps au pouvoir de s'occuper de Saddam. Ceci étant, sa disparition de la scène publique, contribuant à le faire oublier, arrange énormément le gouvernement d'Iyad Allaoui préoccupé par la préparation des élections générales du 30 janvier prochain. Détenu, selon des indiscrétions, en compagnie de onze anciens dignitaires de son régime, dans un centre militaire américain pas loin de l'aéroport de Bagdad, le président irakien déchu ne serait pas au mieux de sa forme sur le plan médical. Opéré il n'y a pas longtemps d'une hernie, Saddam souffre également de la prostate. Il lui est permis de quitter sa cellule, de 17,02 mètres carrés, deux fois par jour pour faire de l'exercice et s'occuper de ses plantes. L'ex-chef de l'Etat irakien planche sur un autre roman, qu'il aurait l'intention de publier. En dépit de l'absence de tout contact avec le monde extérieur, Saddam Hussein est soupçonné d'avoir un rôle avec le mouvement insurrectionnel, selon Mouwaffak Roubaie. Ce dernier affirme : “Nous avons des preuves qu'il s'était préparé à la défaite militaire et avait préparé son parti à la résistance après la défaite.” Roubaie ajoutera : “Saddam Hussein aurait installé un mécanisme et des moyens, argent, planification, entraînement, censés se déclencher juste après la défaite.” Ce qui surprend le plus dans la lenteur des autorités irakiennes est ce laisser-aller dans l'instruction de l'affaire alors qu'il représente un danger, à en croire les propos du conseiller à la sécurité nationale irakien. Il y a quelque chose d'inexplicable dans la gestion de ce dossier pour le moins très sensible pour le nouveau pouvoir en place. Son arrestation n'ayant pas porté le coup fatal à l'insurrection, comme le prévoyaient les Américains, qui claironnaient que “l'ère Saddam est terminée”, dixit le général Meyers, Saddam Hussein est devenu un casse-tête chinois pour la coalition et le gouvernement Allaoui. La façon avec laquelle il avait désarçonné le juge chargé de l'inculper a donné certainement à réfléchir à ceux qui veulent le juger. Les problèmes juridiques relatifs à la gestion de son affaire par les avocats désignés par sa famille, qui n'ont pas encore pu le rencontrer, montrent que son cas dérange. Lui dénier le droit de visite de ses défenseurs est une violation avérée des lois internationales. Quant à la désignation d'avocats irakiens, il semblerait que cela n'est guère facile en raison de l'imbroglio juridique caractérisant son procès. Malgré les conseils d'experts américains, le tribunal mis en place à cet effet est loin de maîtriser la situation. Le fait que les Nations unies se soient dissociées de cette juridiction qui peut condamner à mort, après le rétablissement de cette peine par le gouvernement Allaoui, n'arrange pas les choses. K. A.