Le harcèlement sexuel en milieu professionnel, depuis longtemps observé chez nous, s'est démocratisé et touche aussi les femmes mariées. Se référant à cette coutume qui fait de l'épouse une personne plus respectable que la femme sans mari, le rapport du Centre d'écoute et d'aide (CEA) aux femmes victimes de harcèlement note que la généralisation du harcèlement “est un phénomène qui montre la déliquescence des valeurs culturelles traditionnelles où la femme mariée est respectée en raison du fait qu'elle porte le nom d'un homme, et donc lui appartient”. La femme algérienne est, tout au long de sa vie, une “propriété”. Veuve, divorcée ou célibataire, le harnais masculin l'oppresse sa vie durant. Il n'est pas certain que le harceleur s'encombre de “valeurs culturelles” quand il s'agit d'attaquer sa proie potentielle. Le mari constitue probablement une garde plus rapprochée que tout autre parent direct et, de ce fait, plus dissuasive. Culturellement “possédée”, l'Algérienne l'est aussi légalement. Le tutorat juridique n'est que la transcription officielle de la soumission qui lui est socialement infligée. Le code de la famille, en plus de prescrire la domination, “en famille”, de l'homme sur la femme fixe indirectement, pour la femme, le statut de sous-citoyenne. Elle le promènera partout et jusque sur son lieu de travail. L'éventuelle qualification ne la protégera que de ses subalternes, mais point de ses homologues et encore moins de ses supérieurs. L'acceptation même des femmes dans le monde du travail pourrait relever de motivations inavouables. D'abord, parce qu'il faut bien enjoliver les statistiques de l'emploi, il faut bien faire œuvre de parité de façade. Ensuite, il est des fonctions qui, socialement, conviennent mieux à l'élément féminin. Le rapport du CEA ne peut sans doute pas révéler l'ampleur des exactions sexuelles dont sont victimes les travailleuses. Outre que le silence interdit toute évaluation réaliste du drame, il omet de prendre en compte un autre type de harcèlement qu'autorise le contexte économique national : le chantage au recrutement. L'Etat aurait pu réduire l'injustice si son souci était de défendre la dignité de la femme. En réduisant la précarité des emplois féminins. Dans chaque ville, des milliers de jeunes filles sont employées comme secrétaires, démarcheuses, vendeuses, hôtesses, serveuses, etc., par des officines, boutiques, salons qui en usent comme d'un personnel kleenex au su et au vu de tous les services concernés. Si on arrivait à imposer la loi à ces exploiteurs qui ont pignon sur rue, ce serait autant de femmes sauvées de la précarité et du bon vouloir de ces usagers d'employées jetables. Mais le pouvoir préfère fermer les yeux sur les souffrances de masse, pérorer sur le mérite d'avoir admis quelques femmes alibis dans le cénacle des hauts responsables. M. H.