Que de publications, que d'écrits, que d'assises et de débats, que de conférences et de campagnes avec un résultat digne d'une guerre à sens unique, 55 000 morts et plus de 700 000 blessés.. Que de pleurs, que de tristesse, que d'orphelins, de familles marquées ou disloquées sans oublier les dégâts collatéraux, les maladies du diabète, et toutes les maladies qui en découlent... Après quinze longues années de pseudo-sensibilisation, de conférences où viennent les éternelles habitués, ou de dépliants ou autres supports distribués aux barrages routiers, par des jeunes ou enfants scouts, il est temps de passer à la vitesse supérieure, ou plutôt changer de stratégie, car on est en présence d'un terrorisme routier, et ce n'est pas avec des mots doux et bien élevés qu'on viendra à bout de ce fléau, qui ne fait qu'amplifier de jour en jour... La question est : que faut-il faire pour réduire le nombre de victimes et de blessés ? Tout d'abord pour les médias TV, c'est parler au quotidien de tout ce qui se passe sur les routes, montrer les images choquantes, être présents sur les lieux de l'accident, avoir accès à l'info à chaud sur le terrain, donner plus de moyens et de liberté aux médias. C'est une guerre qu'on ne gagnera qu'ensemble. Produire des émissions en montrant la scène, mais aussi les gens impliqués dans l'accident, aussi bien sur les lieux où il s'est produit qu'à l'hôpital après, pour montrer tout ce que pourrait engendrer un petit coup d'accélérateur, dû à un brin de folie. Une émission TV choc, en mettant les moyens matériels, humains et financiers ainsi qu'un accès libre à l'image et aux informations pour réaliser une production dans le temps. Montrer aux chauffards qu'ils ne seront nulle part à l'abri en votant des lois courageuses, à savoir : 1- le droit à la vie pour tous les Algériens ; 2- criminaliser l'intervention de récupération d'un permis de conduire retiré à un conducteur ; 3- toute personne impliquée dans un accident où il y eu mort ou blessure grave devra être inculpée pour homicide involontaire et une forte amende devra lui être infligée pour couvrir les frais médicaux et la prise en charge de la famille du ou des défunts. Montrer à la TV que les chauffards sont bel et bien arrêtés et punis comme cela se fait ailleurs, dans les "pays civilisés". Pour qu'une campagne soit complète, il faudrait donner les supports nécessaires, comme l'environnement du chauffeur. En quoi consiste-il ? Libérer les trottoirs des commerçants qui les utilisent comme une devanture annexe de leurs magasins, aux automobilistes qui les utilisent comme parking et les rendre aux piétons valides ou à mobilité réduite. Réapprendre aux piétons à utiliser les trottoirs et les passages cloutés et que le fait de marcher ou traverser la chaussée en diagonale n'est pas permis et qu'il sera verbalisé à l'avenir. Re-normaliser ces fameux et destructeurs "dos d'âne", car c'est devenu une mode que d'avoir chacun son dos d'âne... débarrassez-nous de ces destructeurs d'organes de suspension et de boîtes de vitesses ! Des accidents graves sont dus aux monstres qui sont installés à tout bout de champ. Ils n'étaient prévus que devant les écoles et les hôpitaux avec des dimensions réglementées. Maintenant, il y en a de toutes les formes et tous les matériaux... L'éclairage ? Il y a des endroits qui sont trop éclairés, un double lampadaire tous les 10 m et des endroits où il n'y en a point. Des solutions existent. Un lampadaire solaire tous les 20 m, comme ailleurs aux USA, par exemple. Et, c'est moins cher. L'état des routes et les interminables travaux, très mal signalés ou pas signalés du tout ! L'exemple de la RN01 de Aïn Oussera jusqu'à Ghardaïa. Des travaux d'un côté, la ligne continue tout le long du trajet, impossible de doubler, surtout quand vous êtes derrière un camion de sable, gravier ou porte-chars. Que faire ? Vous pouvez faire 400 km entre 30 ou 50 km/h ? Des blocs de béton sont abandonnés après les travaux, sans signalisation adéquate pour être vus. Alors les camions, bus et autres véhicules utilisent leurs pleins phares, vous n'y voyez que du feu.. La vitesse des conducteurs de camions et bus et leur comportement défient les lois les plus élémentaires du respect du code de la route et celui de la vie humaine. Leur vitesse est rarement en dessous des 100 km/h, sauf s'ils sont chargés, dans une pente ou une montée. À qui la faute ? Il y a de cela quelques années, on parlait d'installation d'un disque de contrôle de vitesse, de repos mais à ce jour on n'a rien, on n'a reçu ni disque 45 tours, ni 33 tours, encore moins un disque d'or... le lobby des propriétaires des transports n'en veut pas. Parce que cela réduirait sensiblement leur marge en termes de rentabilité et de rendement avec la vitesse limitée et le repos inexistant de leurs conducteurs. Comment limiter la vitesse de ces monstres de la route ? J'ai toujours milité pour le bridage des moteurs des camions et bus à 80 km et celui des véhicules légers à 120 km/h. Mais, là encore, on butera sur les lobbies en tous genres et catégories. Une campagne devra se faire sur le terrain, au bord des routes ou autoroutes de façon pérenne, avec les premiers concernés, à savoir les chauffeurs de poids lourds, leurs patrons, les bus et leurs propriétaires, et non pas dans des salles climatisées. Une campagne, c'est bien quand elle est limitée dans le temps, avec des objectifs chiffrés : quel sera le montant alloué à cette campagne, quels sont les moyens? Les responsables seront comptables, car s'il faudra attendre 15 autres années pour dire que cela n'a pas marché, ce sera trop simpliste et c'est à tout bout de champ Y. B.-M. Enfant de deux parents victimes des routes 1992-1993. Ex-président de l'Association algérienne des victimes des routes.