Les éditions Achab vont incessamment publier Ayt Abdelmoumen, repères historiques, un livre posthume d'Ahsène Taleb, préfacé par Arab Sekhi. L'annonce, émanant de l'éditeur lui-même, est largement commentée sur les réseaux sociaux par de nombreux citoyens impatients de découvrir cet ouvrage tant attendu. Dans ce livre focalisé sur l'ethnologie (ou l'anthropologie sociale et culturelle) d'Ayt Abdelmoumene, un important village de la Grande Kabylie, l'auteur s'est passionnément intéressé aux recherches sur la parenté, l'organisation sociale et la politique tout en incluant les autres aspects symboliques de la population. Des sujets qui se sont glissés aux interstices laissés par l'histoire et la sociologie pour devenir une disposition extraordinairement prolifique de la recherche ethnologique dans la région. De la fondation de ce village à sa poussée démographique et l'étiolement généalogique, en passant par le précurseur qui lui aurait attribué ce nom, Ahsène Taleb n'a pas omis de mettre en relief le potentiel humain dont il disposait (et continue à disposer), notamment ceux qui ont marqué de leur empreinte aussi bien la Première Guerre mondiale que la Guerre de Libération nationale. Téméraire militant de la cause amazighe aux côtés de bien d'autres, tels que Mouloud Mammeri et Kateb Yacine, bon papa, homme d'une seule parole, intellectuel averti auquel peu de sujets échappaient, le pince-sans-rire qui faisait la joie de sa famille et de ses amis, Ahsène Taleb, marié et père de trois enfants, a été lucide jusqu'à la dernière minute de sa vie. Diplômé de l'Ecole polytechnique de Montréal, où il obtient son diplôme d'ingénieur en mécanique en 1980, il était, durant la même période, parmi les fondateurs de la première Association socioculturelle berbère du Canada. Enseignant en sciences physiques en 1983 à l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, il prenait part à toutes les activités du mouvement culturel berbère, dont la revue Thafsuth, éditée durant l'ère dictatoriale, dont plusieurs numéros ont été tirés clandestinement chez lui, à Ayt-Abdelmoumen. Auteur d'un lexique français-berbère de technologie et participant au projet du Dictionnaire général informatisé de la langue berbère, principal organisateur du 2e séminaire du MCB en 1989, Ahsène était un patriote éclairé de la liberté d'expression et du combat identitaire. Depuis 1996, son destin l'a conduit en France où il avait côtoyé la carrière d'enseignant en sciences physiques en s'inscrivant, en parallèle, en 3e cycle de linguistique berbère à l'Inalco de Paris, optant ainsi pour les locutions kabyles. Natif d'Ayt-Abdelmoumen un certain 12 janvier 1955, il était un intellectuel engagé dans les combats de son temps avant de rendre l'âme, l'année dernière, à l'âge de 60 ans, à l'hôpital Casanova de Saint-Denis en France, suite à une maladie qu'il traînait depuis trois ans. Ayt Abdelmoumen, repères historiques, édité par les éditions Achab, avec une préface de l'universitaire et homme de théâtre Arab Sekhi, sera distribué par l'Edition l'Odyssée. R. SALEM