La polarisation, qui atteint son sommet aujourd'hui, s'illustre par les nombreux raccourcis qui servent à désigner les adversaires. Il y a les pro-impeachment et les pro-Dilma, les coxinhas (que l'on pourrait traduire par les petits salés servis dans les fêtes de la classe moyenne supérieure, c'est aussi une autre appellation pour les BCBG) et les mortadelas (mortadelle avec du pain, sandwichs que l'on retrouve dans les rassemblements de gauche), les #foraDilma #foraPT (dégage Dilma, dégage le PT) et les #nãovaitergolpe (il n'y aura pas de coup d'Etat), le rouge (couleur du Parti des travailleurs) et l'auriverde (or et vert, couleurs nationales monopolisées par les opposants). Les varandas gourmet (balcons de la bourgeoisie) et les BolsaFamilia (bourse-famille fait référence aux bénéficiaires des aides sociales). Photo de Mehdi CHERIET
Comment en est-on arrivé là ? Tout commence en 2014, la Présidente Dilma est réélue de justesse au deuxième tour. Le parti au pourvoir et ses alliés sont éclaboussés par des scandales d'une ampleur jamais vue.
Cette élection ne sera pas sans conséquence, la société brésilienne bascule dans une sorte de guerre d'opinion qui impose de choisir son camp.
La présidente, fragilisée, qui ne peut compter sur ses alliés, n'est pas une bête politique, elle ne sait pas ou ne veut pas composer avec des adversaires rompus aux coups bas et aux manœuvres stratégiques. Cela provoquera un début de mandat laborieux avec un Congrès hostile.
Cela nous amène aux deux principaux cerveaux du processus de destitution. Le president de la chambre des députés, Eduardo Cunha et le vice-Président de la République, Michel Temer. Le premier est un politicien roublard, empêtré dans de nombreux scandales de corruption, le second et un calculateur froid, souvent comparé au majordome machiavélique qui sévit dans les manoirs hantés. Le point d'achoppement avec l'opposition débutera réellement en février 2014avec l'élection du président de la chambre des députés. Dilma refusera de faire alliance avec le sulfureux Eduardo Cunha et imposera un candidat du PT qui sera largement battu. Au contraire de Lula, Dilma ne sait pas faire preuve de souplesse pour atteindre ses objectifs. Elle n'écoutera pas les conseils avisés des politiciens et ira à l'affrontement dans un contexte très défavorable. La crise économique s'invite au débat, qu'elle soit conjoncturelle ou structurelle, cette récession réduira la marge de manoeuvre d'une Présidente déjà affaiblie par les affaires touchant ses plus proches collaborateurs. Eduardo Cunha qui voulait sceller un pacte avec la présidence afin de lui éviter l'ouverture de procès en corruption, décide de se venger et accepte d'ouvrir une procédure de destitution. Le fruit est mûr, les opposants n'ont plus qu'à le cueillir. Un prétexte est trouvépar une équipe de juristes. Peu importe la fragilité des arguments, l'opinion n'en a cure, il s'agit avant tout d'un procès politique. « Le crime de responsabilité fiscale » est déniché dans la Constitution fédérale. Selon les opposants la Présidente aurait maquillé les comptes en empruntant auprès des banques publiques pour dissimuler les déficits budgétaires. Or, cette pratique a été employée par les prédécesseurs de Dilma et par la plupart des gouverneurs des Etats qui lui sont opposés. Le processus de destitution culmine ce dimanche avec le vote de la chambre des députés qui devra recueillir les deux tiers des députés (soit 342 voix sur 513) avant d'être soumis à l'approbation d'un Sénat majoritairement opposé à la Présidente. Correspondance spéciale de Mehdi CHERIET (De Rio de Janeiro) Pour Liberte-algerie.com