Ahmed Ouyahia, intérimaire depuis juin 2015 à la tête du RND, a été, comme attendu et sans surprise, plébiscité à une écrasante majorité à la tête du parti au cours du congrès extraordinaire qui se tient depuis jeudi à Alger. Le contraire aurait sans doute étonné : le chef de cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia, intérimaire depuis juin 2015 à la tête du RND, a été, comme attendu et sans surprise, plébiscité à une écrasante majorité à la tête du parti au cours du congrès extraordinaire qui se tient depuis jeudi à Alger. Sur 1 600 congressistes dont 30% de femmes et 25% de jeunes, Ahmed Ouyahia a obtenu 1 513 voix, alors que son concurrent au poste de secrétaire général, Belkacem Mellah, qui s'est présenté beaucoup plus pour la galerie, histoire de convaincre d'un fonctionnement démocratique du parti, n'a glané que 21 voix. Pourtant dans un exercice sciemment réfléchi, probablement pour nourrir quelques futures ambitions, Belkacem Mellah, très sollicité par les télévisions, peu avant le début du scrutin à bulletin secret, une première au parti, comme pour jouer la transparence et "étouffer dans l'urne" les voix discordantes ou susceptibles de jouer les trouble-fêtes dans la grande salle au nom évocateur "Mawaqif" (positions) de l'hôtel El-Aurassi, s'enorgueillissait de compter sur beaucoup de sympathie parmi les congressistes et de bousculer Ouyahia. Mais au RND, comme au FLN, les congrès sont souvent cousus de fil blanc. Tolérance zéro aux surprises. D'ailleurs, dès son apparition, Ahmed Ouyahia a eu droit à une grande standing ovation qui ne laissait aucun doute sur les intentions des congressistes, leur choix et l'issue du scrutin à venir. Mieux, dans son allocution, peu après la désignation du bureau du congrès présidé par l'ancien ministre des Affaires religieuses, Bouabdellah Ghoulamallah, qui, paradoxalement, a "zappé" la récitation de versets coraniques, d'ordinaire observée par certains partis et institutions, Ahmed Ouyahia a esquissé les grandes lignes, les contours et les positions du parti. À commencer par un soutien sans faille au président de la République, une pique sibylline à Amar Saâdani, le grand absent du show, qui doute de la sincérité du chef de cabinet de la présidence de la République. "Dans la paix restaurée, et notamment depuis 1999, le RND sert la patrie à travers ses choix politiques, et d'abord un soutien permanent au président de la République, le moudjahid et frère Abdelaziz Bouteflika, que Dieu lui donne longue vie", a-t-il dit sous un tonnerre d'applaudissements. "Concernant son positionnement politique, le Rassemblement demeurera sans aucun doute, fidèle à son soutien au président Abdelaziz Bouteflika, et sera aussi un appui loyal au gouvernement", a-t-il ajouté, par ailleurs. Devant un aréopage d'invités, dont les ambassadeurs de Palestine et de la Rasd, de représentants de partis (Djoudi du PT, Saïdi du MSP, Bettatache du FFS...), SidiSaïd de l'UGTA, Ould Khelifa, président de l'APN et figure du FLN, Ali Haddad du FCE, Ahmed Ouyahia s'est employé à jouer la carte de l'apaisement, autant vis-à-vis de son "frère-ennemi" le FLN, la presse et les entrepreneurs, qu'à l'égard de l'opposition qu'il brocardait, il n'y a pas si longtemps. Vendre l'image d'un régime soudé Mais bien plus, c'était l'image d'un régime "soudé" et "uni" devant l'éternel, malgré la conjoncture et les supputations sur la guerre au sommet, et celle d'un homme qui n'a pas, pour l'heure, l'œil "rivé" sur 2019, qu'Ahmed Ouyahia a voulu, selon toute vraisemblance, délivrer. "Soyez tous assurés de notre soutien dans vos nobles charges Messieurs les responsables ici présents (...). On soutient Si Abdelmalek Sellal et Si Larbi Ould Khelifa dans leurs missions", a dit Ouyahia. En plus de ces soutiens, le SG du RND apporte aussi son appui à l'armée. "Le Rassemblement sert également l'Algérie par son soutien indéfectible à la lutte courageuse contre le terrorisme, menée par l'Armée nationale populaire, dont il salue les brillants succès, tout en se recueillant à la mémoire de nos martyrs du devoir national parmi ses officiers, sous-officiers et djounoud." Main tendue à Saâdani et à l'opposition Même si Amar Saâdani n'est pas près d'aller en vacances avec Ouyahia, celui-ci ne désespère pas de construire une "relation forte avec les partis de sa famille politique". Tout comme, il se dit prêt à travailler avec l'opposition dont il ne rate, jusque-là, aucune occasion pour la descendre en flammes. "C'est mon espoir que notre formation politique pourra développer un effort commun avec les autres partis de la majorité présidentielle", dit-il avant de poursuivre : "J'espère aussi que notre Rassemblement sera ouvert au dialogue avec les partis de l'opposition autour de tout projet ou initiative respectueuse de la Constitution et des institutions du pays." "C'est mon espoir également que notre Rassemblement puisse contribuer à un débat politique fait d'une confrontation de projets et de propositions (...)", ajoute-t-il. Du reste, Ouyahia, en dépit de cette disponibilité, n'a pas manqué de lancer quelques piques bien diplomatiques. "Concernant les prises de positions politiques, économiques et sociales du Rassemblement, c'est mon espoir que notre famille politique demeure éloignée du populisme et du dogmatisme paralysant." Paix avec la presse et les investisseurs, guerre au MAK Alors que l'actualité est dominée par la polémique autour de l'offensive lancée par le ministre de la Communication contre El Khabar, Ahmed Ouyahia n'a pas manqué de rendre un hommage à la presse. "Le Rassemblement s'incline à la mémoire des martyrs de la presse nationale pour la survie de l'Algérie. Il se félicite également des avancées remarquables enregistrées par la liberté de la presse dans notre pays et qui viennent d'être confortées par la Constitution révisée. Nous souhaitons aussi santé et succès à nos journalistes et à nos médias à l'occasion de la célébration de la Journée mondiale de la presse." À l'adresse des investisseurs, le SG du RND a affirmé que son parti se trouvera "toujours à leur côté pour faire progresser les mentalités sur l'économie de marché, pour la levée des entraves bureaucratiques devant l'investissement, pour la lutte contre toutes les formes de fraude économique et pour la défense des intérêts de l'économie nationale". En revanche, il a tiré à boulets rouges sur le Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK) qu'il a qualifié de "groupuscule". "Comment limiter cet évènement majeur dans la vie de notre parti à une simple opération électorale, alors que des tentatives de porter atteinte à l'unité nationale se manifestent de plus en plus, à travers un groupuscule local dont les connexions extérieures viennent d'être confirmées par le sinistre Bernard-Henri Lévy qui a été à l'origine de la destruction d'un pays frère et voisin ?", s'est-il interrogé. Par ailleurs, il a plaidé pour la stabilité au sein de son parti secoué par un mouvement de redressement en 2013, — "les démons de l'égoïsme et de l'instabilité", selon ses mots —, "grâce au primat de la majorité démocratiquement exprimée et grâce au bannissement définitif de toute dictature de la minorité". Ouyahia, qui, par un arrangement statutaire, confère au congrès le caractère "d'ordinaire", sans doute pour affronter les prochaines échéances électorales libéré d'un fardeau organique, animera une conférence de presse ce matin. Karim Kebir