La décision de la Cour constitutionnelle gabonaise, confirmant la réélection d'Ali Ondimba Bongo, n'a pas modifié la situation à Libreville, quadrillée par les forces de sécurité. C'est l'incertitude totale. Difficile de s'avancer sur l'évolution de la situation au Gabon, où le président Ali Bongo Ondimba, déclarait hier que son pays n'a "besoin de personne" pour régler la crise politique née de l'élection présidentielle, tout en soulignant que "l'ingérence n'est pas une bonne chose", faisant allusion à l'accueil froid réservé par plusieurs partenaires du pays à sa réélection validée par la Cour constitutionnelle. En effet, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, a regretté que l'examen des recours n'ait pas levé "tous les doutes" sur la réélection du président gabonais. Il a souligné que la France demande "à ceux qui continuent de contester les résultats de récuser l'action violente et de poursuivre leurs revendications selon des voies qui ne remettent pas en cause la paix et le bien-être du pays". Pour rappel, les observateurs de l'Union européenne au scrutin avaient fait état d'une "anomalie évidente" dans les résultats. Le chef de la diplomatie française a lancé un avertissement indirect au régime Bongo en affirmant que les autorités gabonaises doivent "prendre les initiatives qui restaurent la confiance des Gabonais en leurs institutions et n'éloignent pas le Gabon des normes internationales en matière de droits de l'Homme et d'Etat de droit". Quant à l'Union africaine (UA) et aux Etats-Unis, ils se sont contentés de prendre acte de la décision de la Cour constitutionnelle gabonaise. Toutefois, l'ambassade des Etats-Unis au Gabon a ajouté : "Nous sommes préoccupés par ce qui paraît être des arrestations arbitraires de supporters de l'opposition", après que celle-ci ait fait état de plusieurs interpellations dans ses rangs ces derniers jours. Ceci étant, en réponse au verdict de cette instance, Jean Ping, qui se proclame toujours "le président élu", a rejeté cette décision, la qualifiant de "déni de justice". Dans la foulée, il a appelé la communauté internationale "à prendre la mesure de la situation du Gabon", évoquant une "menace d'instabilité politique économique et sociale". "Je ne reculerai pas. Président clairement élu des Gabonais, je demeure à vos côtés pour défendre votre vote et votre souveraineté", a lancé Jean Ping devant la presse à l'intention de ses partisans, en dénonçant une décision "inique" et le "parti pris" de la Cour constitutionnelle. La rigidité des positions des deux camps, qui ne semblent guère disposés à lâcher du lest, laisse la porte ouverte à toutes les éventualités, y compris un embrasement de la situation. Le régime Bongo a certes anticipé les événements en quadrillant Libreville par les forces de sécurité avant l'annonce du verdict de la Cour constitutionnelle, et en menaçant d'arrêter Jean Ping s'il franchissait "la ligne rouge" dans l'hypothèse où il n'obtiendrait pas gain de cause en justice, mais le Gabon n'est pas à l'abri de troubles si pouvoir et opposition ne trouvent pas un terrain d'entente. Merzak Tigrine