"Il ne pourra y accéder qu'en marchant sur nos cadavres", avertissent les initiateurs de la campagne d'opposition à la visite que devrait effectuer Ariel Sharon en Tunisie sur invitation de Zine El-Abidine Ben Ali. L'opposition tunisienne compte tout faire pour empêcher la visite du Chef du gouvernement israélien à Tunis. Une dizaine de partis et organisations critiquent vivement l'invitation adressée par Ben Ali au Chef du gouvernement israélien pour effectuer une visite en Tunisie dans le cadre du déroulement, du 16 au 18 novembre prochain, du Sommet mondial sur la société de l'information. Il faut dire que les meneurs de cette fronde paraissent déterminés à recourir à tous les moyens pour qu'Ariel Sharon ne mette pas les pieds dans leur pays. “Il faut que le gouvernement annule cette invitation. Sinon Sharon devra marcher sur nos cadavres… La mort est pour nous plus facile que de voir Sharon souiller notre terre et nos principes. Si nous acceptons de recevoir Sharon, nous aurons accepté d'abandonner toute notre dignité”, écrivent-ils dans un communiqué rendu public. Rejetant catégoriquement l'argument avancé par Ben Ali pour justifier son geste, lequel exclut le caractère bilatéral de l'invitation et la met sur le compte de l'ONU, les opposants à la venue du boucher de Sabra et Chatila dans leur pays estiment que cela “n'apportera à la Tunisie que la honte”. Ils appellent à une marche nationale de protestation contre cette invitation pour demain à Tunis. Ainsi, toutes les formations politiques, organisations et associations, légales ou non reconnues par le régime du président Ben Ali, se sont unies sous le signe “Non à la visite d'Ariel Sharon en Tunisie”. Les dirigeants du Parti ouvrier communiste tunisien et le président de la Ligue tunisienne de défense des droits de l'Homme préconisent la mise en place d'une coalition regroupant des partis politiques, des organisations non gouvernementales et des syndicats pour obliger le chef de l'Etat à se rétracter. Saisissant l'opportunité de manifestations estudiantines à Tunis, Sfax et Kaïrouan, Me Nedjib Chebi, leader du Parti démocratique progressiste, a appelé le maître du palais de Carthage à “revoir sa décision”. Un autre responsable de ce mouvement y voit “une manœuvre visant à normaliser les relations avec Israël”. De son côté, le Dr Mustapha Ben Jaâfar, numéro un du Forum démocratique pour les libertés et le travail, a estimé qu'il s'agit “d'une provocation qui a dépassé toutes les limites”. Réagissant à cette levée de boucliers, Zine El Abidine Ben Ali a vertement stigmatisé, sans les citer, “ceux qui ont cru opportun de faire commerce de la déformation de l'image de la Tunisie et de la mise en doute de ses choix et de ses acquis”. Appuyant son président, le chef de la diplomatie tunisienne, Abdelbaki Hermassi, s'est évertué à réfuter le caractère bilatéral de l'invitation adressée à Sharon en affirmant : “La Tunisie a adressé des messages aux dirigeants de tous les pays, y compris Israël qui est membre des Nations unies, les invitant à participer au sommet de Tunis, et ce, en application des procédures en vigueur dans le cadre de l'ONU.” Le tollé provoqué par cet événement dans les milieux politiques, syndicalistes et de la société civile tunisienne augure d'un bras de fer entre le pouvoir et l'opposition qui pourrait ternir l'image du président Zine El Abidine Ben Ali. K. A.