L'attitude d'Ali Haddad, qui ne s'attendait certainement pas à voir la solidarité gouvernementale se dresser contre lui, rappelle étrangement les airs par trop sûrs d'un certain Amar Saâdani lorsqu'il lui prenait de décocher ses flèches à un adversaire qu'il se serait choisi ou qu'on lui aura désigné. L'ambassadeur d'Algérie à Paris, Amar Bendjama, a été démis de ses fonctions, lundi, peut-être au moment même où le président du Forum des chefs d'entreprise (FCE), Ali Haddad, présidait, sans la présence du gouvernement, au baisser de rideau du Forum algéro-africain d'investissements et d'affaires. D'aucuns auront relevé la célérité, voire la promptitude, avec laquelle la sanction a été prise et notifiée au diplomate. Ils auront noté sa sévérité également. À l'évidence, il n'aura pas fallu diligenter une grande enquête pour accabler le représentant de la diplomatie algérienne dans l'Hexagone de culpabilité dans le désolant spectacle servi samedi passé en guise de bienvenue aux hôtes africains réunis à Club-des-Pins pour discuter des affaires et de l'investissement, quoique le concerné se soit défendu d'avoir manqué à quoi que ce soit dans ce qui lui incombait de faire dans la préparation du rendez-vous. Bendjama, coupable ou bouc émissaire ? Difficile de se rendre à une quelconque assertion. Ce qu'il est donné en revanche d'affirmer sans trop de risques de se tromper, c'est que la sanction infligée au désormais ex-ambassadeur d'Algérie à Paris viserait aussi à atteindre, par ricochet, le ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Ramtane Lamamra. D'ailleurs, depuis la survenue de l'incident, l'entorse au protocole qui a dicté au Premier ministre et aux ministres de la République de quitter le Forum en pleine cérémonie d'inauguration, le patron du FCE multiplie les accusations à l'encontre du ministère des Affaires étrangères. Dans chacune de ses déclarations-explications, Ali Haddad laisse clairement entendre que ce sont les Affaires étrangères qui ont failli dans leur mission de régler les détails du protocole, chargeant à chaque fois la modératrice, une employée du MAE, qui se serait emmêlée les pinceaux au point de zapper l'intervention de son chef hiérarchique pour inviter directement le patron des patrons à prendre la parole. Une modératrice qui a été même livrée aux remarques et suggestions fort irrespectueuses du directeur d'un média étranger qui s'est permis, devant Ali Haddad même, de toiser la presse algérienne. L'attitude d'Ali Haddad, qui ne s'attendait certainement pas à voir la solidarité gouvernementale se dresser contre lui, rappelle étrangement les airs par trop sûrs d'un certain Amar Saâdani lorsqu'il lui prenait de décocher ses flèches à un adversaire qu'il se serait choisi ou qu'on lui aura désigné. En insistant pour rejeter toute la responsabilité de ce qui s'était produit au Forum algéro-africain d'investissements sur le ministère des affaires étrangères et, donc, Ramtane Lamamra, le président du FCE ne ferait, visiblement, pas que chercher le moyen d'évacuer sa responsabilité. D'ailleurs, même sans le chercher volontairement, ses accusations appuyées attentent à la réputation d'un Lamamra, du moins elles ne sont pas faites pour le grandir aux yeux des Africains qui eurent d'ailleurs l'idée de lui proposer une haute responsabilité au sein de l'Union africaine. Aussi, il est permis de se poser la question de savoir si tous les ratés de ce Forum algéro-africain ne trahissent pas, en vérité, une guerre des clans que quelques perspectives politiques déterminantes ont ravivée. Et pourquoi le choix de la victime en la personne de Lamamra ? Il serait fort utile de se rappeler par quelles péripéties ce dernier est passé avant d'accéder au rang de ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères. Le rappel pourrait être fort instructif et aiderait à certains décodages. Le jeudi 14 mai 2015, la présidence de la République annonce un remaniement ministériel dans lequel Ramtane Lamamra est classé à rang égal avec Abdelkader Messahel, tous deux ministres des Affaires étrangères. Lamamra était désigné ministre des Affaires étrangères, alors que Messahel était désigné, lui, ministre des Affaires maghrébines et africaines et de la Coopération internationale. Etrange, pour le moins, cette situation qui voit les prérogatives de deux ministres se chevaucher, voire se confondre et se gêner. Dans l'histoire, l'offense, c'est Lamamra qui l'a ressentie. Quatre jours plus tard, la présidence de la République, réalisant certainement la grossièreté de la chose, commet une rectification et élève Lamamra au rang de ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, alors que Messahel fut, lui, désigné ministre des Affaires maghrébines, de l'Union africaine et de la Ligue arabe. N'est-ce pas la même entreprise de disqualification de Lamamra qui est reprise aujourd'hui par les mêmes maîtres d'œuvre, mais exécutée avec d'autres et autrement ? Sofiane Aït Iflis