Secrétaire fédéral du FFS à Ghardaïa et militant local des droits de l'Homme, le Dr Kamel Eddine Fekhar, libéré mardi dernier après cinq mois d'incarcération, revient dans cet entretien sur sa libération et ses conditions de détention. Liberté : Ça vous fait quoi de recouvrer votre liberté après 5 mois d'incarcération ? Dr Kamel Eddine Fekhar : La liberté, c'est quelque chose de très précieux d'autant qu'elle intervient après cinq mois et une sanction lourde. Mais j'avoue que lorsque j'ai vu l'accueil de la population, j'ai complètement oublié que j'étais en prison. Quand vous voyez des vieux qui font près de 6 km de marche pour vous saluer, franchement, je n'en reviens pas. C'est très émouvant… Et si vous nous parliez un peu de vos conditions de détention ? Quand vous vous retrouvez derrière les barreaux pour la simple raison que vous avez pris le risque de calmer la population, qui demandait ses droits de façon pacifique, en votre qualité d'élu et de militant des droits de l'Homme, sincèrement je ne comprends pas. Un criminel aurait peut-être trouvé la chose normale. Au moment où les autres élus étaient chez eux et au lieu d'être remercié, je me suis retrouvé en prison avec un chapelet d'accusations, lesquelles pouvaient entraîner des sanctions très lourdes. La première chose qui frappe dans la prison de Ghardaïa, c'est la promiscuité des lieux. Nous nous sommes retrouvés parfois à 22 prisonniers dans une cellule de 20 m2. On mangeait, dormait et utilisait les sanitaires sur place. La nourriture était déséquilibrée. Et quand j'ai soulevé la question au directeur de la prison, il m'a répondu qu'il y a un manque de moyens. Autre chose que je trouve cocasse : lorsqu'ils nous ramenaient les journaux, ils prenaient le soin d'enlever tous les articles qui parlent de nous. Je dois rappeler aussi qu'on m'avait isolé des autres détenus et que je n'avais pas le droit de les contacter. Et quand j'entends, aujourd'hui, parler de réforme de la justice et de réinsertion sociale des détenus, franchement, ça me fait rire. Non, on ne traite pas les prisonniers de façon humaine. Avez-vous eu des pressions ? Lors de la première grève de la faim en décembre dernier, le procureur général nous avait dit qu'il allait “nous aider” et nous avait demandé d'arrêter au risque d'aggraver notre cas. Moi, je lui avais répondu que je ne demandais que la liberté provisoire et la mise en place d'une commission d'enquête nationale sur les évènements de Ghardaïa. Nous voulons savoir, en effet, qui est derrière les évènements de Menea, G'rara et Ghardaïa. D'ailleurs, bizarrement, lors des derniers évènements, il n'y avait que des jeunes Mozabites arrêtés, et tous les militants des droits de l'Homme avaient des mandats d'arrêt. Mais ce n'est que sur insistance de ma famille que j'avais arrêté la grève de la faim. Et que comptez-vous faire ? Etant militant d'un parti politique et de la Ligue pour la défense des droits de l'Homme, je vais continuer mon combat pacifique pour le recouvrement de la citoyenneté de mes concitoyens. Il faut que chaque Algérien soit digne et que les lois soient respectées. Mais avant de finir, je dois encore une fois remercier toute la population de Ghardaïa, les militants du FFS et la presse qui nous ont beaucoup aidés. K. K.