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UNESCO: Alger au centre des tractations
Election du prochain directeur général de l'organisation onusienne
Publié dans Liberté le 07 - 09 - 2017

A un peu plus d'un mois du début des élections pour le choix d'un nouveau directeur général de l'Unesco (Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, et en anglais: United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization) Alger se retrouve au centre des tractations diplomatiques. Dans les prochains jours, deux parmi les principaux candidats à la succession de la bulgare Irina Bokova (en poste depuis 2009, soit deux mandats), sont attendus dans la capitale. Le premier à s'être annoncé est le chinois Qian Tang. Il sera à Alger, selon des sources proches du ministère des affaires étrangères, probablement dès ce samedi. Il sera suivi par l'ex ministre de la culture qatari,Hamad Al Kawari. Il devrait fouler le sol algérien au courant de ce mois de septembre. Les deux sont en campagne depuis quelques temps déjà, et font le tour des capitales à travers le monde dans l'espoir de récolter des voix en vue des prochaines élections.
Avant ce duo, deux autres avaient déjà mis les pieds à Alger, toujours dans l'espoir d'avoir un appui. Il s'agit de deux femmes. En premier l'égyptienne, Moushira Khattab, ex-ministre de la Famille et de la Population (entre 2009 et 2011), l'année dernière. Elle était venue pour annoncer son intention de se présenter candidate à la succession de la bulgare. Ramtane Lamamra, à l'époque ministre des Affaires étrangères, l'avait reçue au siège du MAE.
La seconde était la libanaise Vera El Khoury. Son passage à Alger est passé quasiment inaperçu. Venue sur la demande de l'ambassade de son pays Vera El Khoury est repartie bredouille. Elle n'a rencontré quasiment aucun officiel algérien.
D'autres candidats feront aucun doute des pieds et des mains dans l'espoir de venir demander l'appui d'Alger. Des "intentions" plus que justifiées. Le poids de l'Algérie au sein de l'Unesco est très important. En 2013, elle a été réélue pour un quatrième mandat (quatre ans) consécutif au sein du Conseil exécutif de l'organisation onusienne. Une instance primordiale au sein de l'Unesco. C'est lors de la prochaine session de ce Conseil exécutif, du 4 au 18 octobre prochain, que les élections pour le poste de directeur général se dérouleront. Le premier tour est prévu le 10 du même mois. La voix de l'Algérie est plus que prépondérante dans ces "joutes". Reste à savoir qui va l'avoir.
Le tableau est le suivant. Au total il y a neuf candidats. Les quatre cités plus haut et les cinq autres sont les suivants :
. Polad Bülbüloglu (Azerbaijan)
. Pham Sanh Chau (Vietnam)
. Juan Alfonso Fuentes Soria (Guatemala)
. Saleh Al-Hasnawi (Irak)
. Audrey Azoulay (France)
Le décodage de ces candidatures donne une idée plus au moins précise sur les enjeux. Et ces derniers sont très importants sur la scène internationale. A l'instar des précédentes élections (surtout celles de 2009) les tractations autour de ce poste éminemment politique se basent avant tout sur le lobbying.
Al Kawari, une chance pour l'Unesco!
Le Qatari est sans aucun doute le favori numéro 1 pour devenir le futur secrétaire général de l'Unesco, et devenir ainsi le premier arabe à conquérir ce poste.
A sa faveur plusieurs atouts. Il y a d'abord le profil. Francophone, ce diplomate Qatari de 69 ans, connait fort bien les couloirs de l'Unesco. Il a représenté son pays au sein de cette institution onusienne (il était en même temps ambassadeur à Paris) entre 1979 et 1984. Il a occupé d'autres postes au sein d'institutions internationales depuis. Il a été, entre autres, Président de la CNUCED (Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement) ou encore délégué officiel du Qatar auprès de l'ONU. Entre 2008 et 2016, Hamad Al Kawari a été ministre de la Culture, des Arts et du Patrimoine. Un statut qui donne une idée sur l'importance du personnage au sein du "système" local.
En campagne depuis deux ans (c'est le premier parmi les neuf à avoir annoncé sa candidature), ce Qatari avait eu, l'année dernière, un appui d'une grande importance. C'était lors d'une réunion de l'Alesco (Organisation arabe pour l'éducation, la culture et la science), à Tunis, où les pays arabes avaient approuvé sa candidature avec 18 voix sur 22.
Avec cette carrière de diplomate, et l'appui de plusieurs pays (pas uniquement arabes), Al Kawari était d'office en pole position pour l'élection prochaine. Mais il ne contente pas de ses atouts personnels. Il y a surtout le statut qu'il veut se donner. Celui de sauveur de l'Unesco. Rien de moins.
C'est que l'existence même de l'organisation est en jeu. Croulant sous les dettes, l'Unesco, après huit ans de règne d'Irina Bokova, se retrouve dans une bien délicate situation. Sur le plan financier, et surtout depuis le retrait, en 2011, des Etats-Unis (qui fournissait 22% du budget global), l'agence onusienne n'arrive plus à mettre en application ses vastes programmes à travers le monde. Une invisibilité internationale qui a bien ternie son image. D'ailleurs l'Algérie avait joué un rôle prépondérant dans l'opération de sauvetage qu'avait lancé (en vain) Irina Bokova. En avril 2012, la présidence avait octroyé 5 millions d'euros à l'Unesco à titre de contribution au Fonds d'urgence (Lire l'article de "Liberté" en cliquant ICI). Un apport qui était loin d'être suffisant devant la mauvaise gestion de l'équipe de la bulgare.
Pas de financements, pas d'activités. Pas d'activités, pas d'organisation. Devant la manque crédibilité de Bokova, il est devenu clair que le salut viendra d'éventuels bailleurs de fonds capables de subvenir aux grands besoins de l'Unesco. Hamad Al Kawari l'a compris et il le dis ouvertement. Sa déclaration faites en mai dernier, lors d'une interview accordée à jeune Afrique, en dit long sur les espoirs qu'il peut susciter, que ce soit au sein de l'organisation ou au sein des nombreux pays à la recherche continue du label 'Unesco". «(...) Je n'arriverai pas les mains vides. J'ai reçu de divers mécènes et institutions des assurances en ce sens, sinon, je ne me serais pas porté candidat» avait-il indiqué. Une manière d'affirmer qu'avec lui l'Unesco va oublier son talon d'Achille: l'absence du nerf de guerre, et au bout, la tant attendue stabilité financière.
Qian Tang, le candidat trouble-fête!
Hamad Al Kawari, représentant du quatrième producteur de gaz naturel du monde aura en face de lui Qian Tang, 67 ans, qui défendra les intérêts de la plus grande puissance économique du monde. Voir ce chinois parmi les candidats au poste de directeur général de l'Unesco est considéré comme une "anomalie" par plusieurs plusieurs chancelleries à travers le monde. C'est que le profil même de Qian Tang est loin d'assurer une victoire, et de rassurer les pays électeurs. Si la Chine voulait vraiment gagner les élections d'Octobre prochain, elle n'aurait pas misé sur lui, même s'il est sous directeur général de l'Unesco. Tang est loin d'être son meilleur atout. Un autre était tout indiqué et beaucoup s'attendaient à ce qu'il représente son pays. Il s'agit de Hao Ping, vice-ministre de l'éducation, et qui a été président de la 37e conférence générale de l'Unesco (2013). Ne pas l'avoir présenté pour succéder à Bokova est venue confirmer la lecture de certains analystes affirmant que la Chine veut avant tout jouer les trouble-fête. En maintenant la carte Tang et donc en pesant de son poids dans ces élections, la Chine serait-elle en train d'afficher une carte de pression pour d'autres objectifs? Voudrait-elle ainsi imposer d'autres agendas comme par exemple chercher un deal avec des membres du Conseil de sécurité de l'ONU sur des dossiers précis? Comment ne pas se poser ces questions quand on sait qu'actuellement l'Empire du Milieu a déjà "en poche" plus de deux postes importants au sein d'institutions internationales. Le plus "visible" est celui de Secrétaire général de l'Union internationale des télécommunications (UIT) (Houlin Zhao, depuis octobre 2014). Le second est celui de Chef du Département des affaires économiques et sociales (DAES) de l'ONU. Ces "placements" sont une limite à ne pas dépasser. Dans l'univers des diplomates, les pratiques d'usage (non écrites) interdisent aux pays de prétendre avoir trois postes (en même temps) au niveau des institutions internationales.
La probable défaite du Chinois se profile encore plus depuis deux jours avec l'évocation, par plusieurs médias européens, du nom d'Irina Bokova dans une affaire de corruption. Le mari de la Bulgare, Kalin Mitrev, ancien membre de la direction de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, aurait reçu jusqu'à 425 000 euros du gouvernement azerbaïdjanais. La directrice générale de l'Unesco est dans le viseur pour avoir abrité, en septembre 2015, au siège de l'organisation onusienne à Paris une exposition photo intitulée : « Azerbaïdjan, terre de tolérance ». Une affaire qui ne va surement éclaboussé toute l'équipe de la bulgare, et comme Qian Tang est son adjoint alors la suite est bien prévisible. Une casserole qu'il traînera bien difficilement d'ici le début des élections et qu'utiliseront sans aucun doute les adversaires habituels de la Chine. En premier lieu le "frère ennemi", le Japon. Le pays au Soleil levant pèsera de tout son poids (depuis le retrait des Etats-unis il est le plus grand contributeur au budget de l'Unesco) pour barrer la route à la Chine. Il semble clairement qu'il ne manquera pas d'atouts.
Et les autres!
Pour évoquer les 7 autres candidatures, il faut commencer par celles qui pourront perturber la marche de Hamad Al Kawari. Il s'agit essentiellement de l'égyptienne Moushira Khattabe, de la libanaise Vera El Khoury et enfin de l'irakien Saleh Al-Hasnawi. Le point commun entre eux c'est qu'ils représentent des pays arabes. Ils comptent bien s'appuyer sur cette carte lors de ces élections. Devenir le(la) premier(e) arabe directeur général arabe de l'Unesco est au bout de leurs aspirations. Le Qatari ne s'en cache pas et le revendique hautement. pour les autres c'est loin d'être aussi clair.
Ainsi Moushira Khattabe, 73 ans, est d'ores et déjà comparée à son compatriote Farouk Hosni, malheureux candidat aux élections de 2009, et également ex-ministre de Hosni Moubarak. Des "tares" qui pèseront lourdement dans le verdict final. Voulant avoir une double casquette l'égyptienne répète à satiété qu'elle représente avant tout l'Afrique. Une stratégie qui ne devrait pas marcher puisque le continent noir a déjà eu un directeur général à l'Unesco en la personne du Sénégalais Amadou-Mahtar M'Bow (de 1974 à 1987). Ainsi prétendre représenter l'Afrique n'est plus considéré comme un argument de force pour le poste de DG de l'Unesco. Le Djiboutien Rachad Farah, malheureux candidat en 2013, en sait quelque chose.
Concernant la libanaise Vera El Khoury (58 ans), ses adversaires trouveront facilement des arguments pour "casser" sa candidature. La représentante du pays des cèdres a été durant vingt ans la déléguée diplomatique auprès de l'Unesco de...Sainte Lucie, une île située dans la mer des Caraïbes. D'ailleurs Vera El Khoury ne serait pas uniquement une libano-Sainte Lucienne. Certains affirment qu'elle aurait une troisième nationalité, celle d'un pays de l'Union européenne...
Avec cette candidature tricéphale El Khoury aura beaucoup de mal à convaincre ses interlocuteurs qu'elle est la mieux placée pour représenter le arabes à l'Unesco.
Celle de l'irakien Saleh Al-Hasnawi (57 ans) semble être, avant toute chose, symbolique. Une manière pour son pays d'affirmer son retour sur la scène internationale et de faire oublier son image de pays en guerre continue depuis près de 15 ans. Son profil d'expert en psychiatrie ne lui suffira surement pas pour devenir le numéro un de l'Unesco même s'il connait les contours de l'organisation.
A partir de ce qui est précisé plus haut, si l'Unesco attends cette année le premier arabe à sa tête, tout semble indique que le candidat le plus solide est le Qatari.
Pour les cinq autres candidats, chacun d'eux ne donne pas l'impression de vouloir dépasser le statut de lièvre. En premier lieu le candidat azerbaïdjanais semble éliminé d'office. Les dernières affaires de corruption concernant son pays viennent anéantir le peur d'espoir que Polad Bülbüloglu pouvait avoir. Ceux qui misaient sur la Française Audrey Azoulay déchantent déjà devant le profil de ses adversaires. L'éphémère ministre de la culture (février 2016-mai 2017) ne pèsera d'aucun poids devant les Al Kawari et Tang. Pas seulement pour son inexpérience (elle a 45 ans), ni encore parce qu'elle est la fille du fameux André Azoulay, conseiller du Roi du Maroc. Son "point faible" principal réside dans le fait qu'elle représente le pays hôte et il y a une règle non écrite, celle de ne pas choisir de l' « intérieur ». Effectivement, dans les usages diplomatiques, le pays où siège une organisation internationale ne peut pas prétendre à la direction de l'organisation qu'il accueille. Pour l'Unesco, il n'y a eu, à ce jour, qu'une seule exception, Renè Maheu (1961-1974)...et les exceptions ne se répètent pas.
Il reste le vietnamien Pham Sanh Chau et le guatémalien Juan Alfonso Fuentes Soria. Le premier est l'assistant du ministre des Affaires étrangères de son pays, et le second est un ex-vice président. Peu influents et d'une stature (poids diplomatique) moindre que les autres candidats, ils sont pressentis pour être éliminés, en octobre prochain, dès le premier tour.
La succession de Bokova est ainsi ouverte. Si Hamad Al Kawari semble s'être ouvert le chemin de la victoire, rien n'est encore assuré. Toutefois le qatari peut se rassurer par un détail loin d'être négligeable. En 2009, à cette époque de l'année, les puissants lobbies qui avaient barré la route à Farouk Hosni avaient déjà lancé leur campagne contre l'égyptien. Hamad Al Kawari en est épargné. Un signe!
Salim KOUDIL
@SalimKoudil

Pour avoir une idée sur les élections de 2009 durant lesquelles l'Algérie avait officiellement soutenu l'égyptien Farouk Hosni, voici quelques articles publié à l'époque par "Liberté":
a href="http://Bedjaoui le "Cambodgien" et Hosni l'"Algérien"" target="_blank"Bedjaoui le "Cambodgien" et Hosni l'"Algérien"
Bedjaoui sera l'adversaire du candidat de l'Algérie
Bedjaoui, le forcing égyptien et le lobby juif


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