Couleur de terre fertile et féconde, du tapis berbère dans toutes ses variantes comme la langue maternelle d'ailleurs, Yennayer vient, cette année, comme anzar – arc-en-ciel, porteur d'espoir comme le Dieu de la pluie et au goût d'une bataille, rien qu'une bataille gagnée face à l'iniquité, à l'arrogance et surtout au déni de soi. À travers le grand Aurès, aussi bien linguistique que géographique, de M'chouneche (wilaya de Biskra) à M'daourouche (wilaya de Souk-Ahras), des cris de joie ont été entendus : les Aurès n'ont pas caché leur satisfaction quant à la décision de déclarer Yennayer journée chômée et payée. "L' omission" de la mention "fête nationale" ne semble ne pas trop gêner les Auressiens. Les militants du Mouvement culturel amazigh la prennent avec une grande philosophie en déclarant qu'ils ne sont pas à une bataille près. Et puis, pour l'aspect festif, c'est aux Auressiens de s'en charger, à coup de baroud. "Ça, nous connaissons", nous disent-ils. Ce n'est pas à Batna ou dans ses rues que la fête de Yennayer se prépare, quand bien même elle serait dite capitale des Aurès. C'est dans l'Aurès profond, dans les zones reculées que les rendez-vous sont donnés pour une grande fête le 12 janvier. Cette décision n'est pas le fruit du hasard ; elle n'est surtout pas un service rendu, nous dit un militant de la première heure pour l'identité amazighe. Dans les différents villages, dechras et hameaux, les citoyens expriment leur satisfaction. Pour la célébration de la fête de Yennayer, deux villes symboles ont été choisies par les militants et les citoyens qui vont prendre part à ce rendez-vous et qui, pour rappel, n'a jamais cessé d'être célébré dans les zones rurales des Aurès, comme Aït Soltane, Aït Frah, Aït Selem, les Nememcha. "C'est pour vous dire qu'on n'a pas attendu une décision de la houkouma pour le faire", nous dit un jeune militant de Ifker dans la wilaya d'Oum El-Bouaghi, une des villes qui a été choisie pour célébrer Yennayer, avec les villes de Bouhmama, dans la wilaya de Khenchela et Merouana, dans la wilaya de Batna. Dans d'autres villages, à l'exemple de Kaïs, El-Madher, Chemora ou encore Thagouth, c'est tout une nouvelle génération qui s'implique dans l'organisation de cette fête, sachant que, dans sa majorité, elle maîtrise tamazight, la lise et l'écrive. Ils nous apprennent ainsi que les nuances entre chaoui ou kabyle "n'existent presque plus, car la langue s'est nivelée naturellement et est devenue homogène d'elle-même", nous attestent les jeunes que nous avons rencontrés qui, du coup, disent avec une certaine fierté qu'ils ne sont "ni Kabyles, ni Chaouis, ni Mozabites, ni Touareg, mais Amazighs". "Et notre pays, c'est l'Algérie", ajoutent-ils. Une prise de conscience peut-être insoupçonnée mais évidente. "Il faut dire que les pionniers sont passés par là, initiateurs et fédérateurs, dont beaucoup nous ont quittés", nous dit Yacine Merchiche, un militant de la première heure qui ajoute : "Ce n'est qu'une bataille de gagnée, d'autres nous attendent." H. TAYEB