Si l'hommage aux martyrs est nécessaire en cette occasion, la revendication de la liberté pour les journalistes vivant dans ou en dehors de la prison est vitale, car le métier d'informer n'a de sens et d'utilité que s'il est exercé par des hommes et des femmes libres. La corporation des journalistes s'est regroupée aujourd'hui autour de la publication de la liste de ses martyrs disparus ces trente dernières années, assassinés ou victimes des risques du métier comme on dit. Métier risqué, en effet, car on peut y perdre sa vie, son âme et parfois sa liberté. Les morts sont et seront toujours honorés car ils sont à jamais absous de tout péché professionnel, ils sont innocents pour l'éternité. Il n'y a donc pas de débat sur leur gloire ni d'embarras à célébrer leur courage. Mais que dire des journalistes vivants, en activité et susceptibles de commettre des erreurs ? Et Benchicou ? Quel statut pour ce journaliste qui vivra ce 3 mai en cellule ? Si l'hommage aux martyrs est nécessaire en cette occasion, la revendication de la liberté pour les journalistes vivant dans ou en dehors de la prison est vitale, car le métier d'informer n'a de sens et d'utilité que s'il est exercé par des hommes et des femmes libres. Bien sûr, le président de la République comme d'autres voix officielles se disent totalement acquis à la liberté de la presse à condition de ne déranger personne. Mais une telle presse, qui existe encore dans de nombreux pays, ne mériterait pas le sacrifice de la longue liste de journalistes publiée aujourd'hui. Elle ne serait plus digne de la confiance de ses lecteurs pour lesquels elle est souvent le dernier recours, elle ne ferait plus rêver tous ces jeunes tentés par l'aventure journalistique. Elle serait comme plus emprisonnée que ne le sera jamais Benchicou. Les règles professionnelles seront tôt ou tard acquises, les “dérives” dont on accuse fréquemment les journalistes seront tôt ou tard extirpées de la pratique du métier, mais le courage de dire et la liberté de dénoncer sans juger, la conviction du devoir de vérité ne peuvent être enseignés autrement que par leur pratique en dépit des pressions et des tentations. G. K.