Le premier clap du film Les Amants maudits d'Alger adapté du roman Les Amants de Padovani de l'écrivain Dris Youcef a été donné en ce début d'année dans un village aux environs de Aïn El-Hammam (ex-Michelet) par le réalisateur Mohamed Charaf Ketita. Nous avons rencontré l'auteur du scénario Youcef Dris qui conte pour nos lecteurs, l'impossible amour entre un Ya Ouled d'indigène et une fille pied-noir d'Alger. Liberté : De qui tient-on l'idée de l'adaptation à l'écran de votre roman Les Amants de Padovani ? Youcef Dris : En réalité, ce n'est pas une fidèle adaptation à l'écran de mon roman Les Amants de Padovani, mais juste que je me suis inspiré de l'histoire "vraie" pour l'écriture du scénario! Celle qui relate cet amour impossible d'un indigène épris d'une française d‘Algérie et qu'il me tenait à cœur de porter à l'écran, à l'instar pourquoi pas des grands classiques tels que Les Hauts de Hurlevent de William Wyler (1939) ou Love Story d'Arthur Hiller (1970). Et, si l'on a gardé les noms des antagonistes (pour l'instant), en revanche, tout est différent de l'authentique idylle narrée dans le roman, dont l'époque et les lieux où s'était déroulé le récit, et ce, pour des raisons purement techniques. Qu'est ce qui a motivé l'écriture du scénario ? Est-ce le succès littéraire de l'œuvre ou l'émotionnel de l'histoire ? Ce n'est pas le succès du roman qui a motivé l'écriture du scénario, du fait qu'avant même de présenter le manuscrit du roman à des éditeurs, j'avais déjà en tête, l'ossature de cette tragédie ayant pout thématique l‘amour né entre Dahmane qui est un proche de ma famille et Amélie, la fille d'un notable français d'Alger. Donc, il ne s'agit pas d'une romance à l'eau de rose qui aurait duré le temps d'un été, mais d'un amour réel avec de réels personnages du temps où sévissait le hideux apartheid en Algérie qui a dévasté deux familles d'obédiences confessionnelles différentes mais qui avaient tout pour être heureuses. Encouragé par mes proches et mes lecteurs, j'ai eu donc l'idée d'en faire plus qu'un roman afin de pérenniser cette belle et triste histoire d‘amour. Et ce film dont je rêvais secrètement, va pouvoir enfin se concrétiser. Pour conter l'histoire d'un amour impossible entre deux êtres que tout sépare, l'adaptation à l'écran exige certes un retour sur les lieux de l'histoire, notamment à l'ancien quartier de Belcourt et à la plage de Padovani à Bab El-Oued. Comment s'est opéré ce come-back dans des lieux qui ne sont plus ce qu'ils étaient ? L'impossibilité de reproduire à l'identique le décor de l'époque, notamment les costumes et les accessoires, sont autant d'obstacles qui nous ont empêchés d'être fidèles à l'âme-même de cette histoire. D'où qu'il m'est obligé de m'écarter un tant soit peu du texte original, et d'élaborer des séquences assez différentes du roman. Pour être fidèle à l'histoire, il aurait fallu avoir une logistique colossale qui soit d'égale compétence avec celle qu'offrent les studios de nos voisins qui répondent aux désidérata du scénario. C'est dire aussi l'obstacle pécuniaire lorsqu'il s'agit de produire un film en dehors de nos murs. Ceci, c'est la raison qui a poussé l'équipe à réaliser ce film avec les moyens du bord ! Eu égard au titre du film, le flirt est allé au-delà du rivage de Padovani pour devenir l'idylle d'Alger. Est-ce l'hommage à la mémoire d'Amélie et Dahmane, qu'ils n'ont pas eu de leur vivant ? Le scénario réserve bien des surprises au public, notamment à mes lecteurs qui découvriront une tout autre histoire avec son lot de rebondissements et qu'interprètent d'autres personnages en Algérie et sous d'autres cieux. S'agissant du synopsis, il s'agit d'un fils qui renie celui qui prétend être son père ainsi que la réapparition d'une mère qui dans le roman était morte en couches et bien d'autres surprises. Autant d'actions qui différencient le scénario du roman mais qui racontent une histoire plutôt plus agréable que morbide que ne l'est le roman. Au demeurant, le film reste l'hommage au couple d'amants maudits Dahmane et Amélie mais aussi à la femme de ménage qu'était Fatma ! Ma tendre grand-mère ou ce personnage pivot qui aurait vécu cette histoire dans sa chair, à une époque où l'indigène vivait sous la chape de plomb qu'imposait le colonialisme. À ce titre, je formule le souhait que la pellicule lui rende grâce pour son sacrifice à préserver sa famille de l'indigence ! Et comme elle a réussi, gageons que le film sera aussi une réussite. Un regret toutefois, les personnages réels de cette histoire ne verront pas ce film, car aujourd'hui tous sont disparus ! L. N.