Cette rencontre à la librairie Point-Virgule a été l'occasion de confirmer que la soif d'histoire est toujours omniprésente. Les sorties tonitruantes d'Abdelmadjid Merdaci ne pouvaient pas laisser indifférents les présents. Les débats suscités étaient bien houleux. C'était un Abdelmadjid Merdaci bien virevoltant qu'a accueilli samedi la librairie Point-Virgule de Chéraga (Alger). La vente-dédicace consacrée à son dernier ouvrage, GPRA, un mandat historique, 19 septembre 1958 - 3 septembre 1962 (éditions Champ libre), a été l'occasion pour l'historien de défendre "ses" thèses, et pas uniquement celles publiées dans ce livre. D'emblée, l'historien a précisé le "cadre" de son intervention. "Pourquoi personne ne parle du GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne, ndlr) depuis 1962 ?" posera-t-il la question, avant de donner sa réponse : "L'histoire écrite par les vainqueurs n'est pas la vraie." Il s'étalera ainsi sur l'histoire de l'instance en déplorant ce qui s'est passé lors de l'été de 62. "Comment voulez-vous que je respecte ceux qui ont tué 1 000 soldats", lança-t-il à l'assistance en signe de défi. Toutefois, il nuancera rapidement ses propos en ne remettant pas le nationalisme des chefs de l'armée des frontières. "C'étaient tous des patriotes, et Boumediene en était un, mais sa stratégie n'était pas saine", a affirmé l'historien. Le Congrès de la Soummam du 20 août 1956 était un autre point abordé par Abdelmadjid Merdaci. S'exprimant avec passion (non cachée), l'historien a répété à satiété que les résolutions de cette fameuse rencontre des dirigeants de la Révolution "dépassaient amplement les primats, celle du civil sur le militaire ou encore celle de l'intérieur sur l'extérieur", en rappelant que la plateforme regroupait 32 articles. Il évoquera ainsi Abane Ramdane (1920 - 1957) en des termes élogieux, tout en insistant sur le fait qu'"il était loin d'être un régionaliste, mais un vrai nationaliste". Krim Belkacem (1922-1970) aura sa "part" de louanges. Le professeur conviera l'assistance à contextualiser les faits en rappelant qu'en mars 1955, "l'insurrection était dans le creux" avec la mort et l'absence (déplacement à l'étranger) de la majorité du groupe des six. "Il ne restait que Krim Belkacem, qui était le seul en vie et en activité", indiquera Merdaci, qui ajoutera : "Et il s'agit bien de celui qui était déjà dans le maquis en 1947 et qui présidait des années après la délégation algérienne lors des négociations d'Evian." L'historien ne pouvait évidemment pas rater l'occasion de revenir sur un sujet sur lequel il a beaucoup écrit, celui de l'offensive du 20 Août 1955 dans le Nord-Constantinois. L'occasion pour l'intervenant de vouloir "réhabiliter" l'un des symboles de la Révolution. "Zighoud Youcef (1921-1956) n'a pas eu la place qu'il mérite dans l'histoire", a lancé Abdelmadjid Merdaci. L'historien relatera les "faits d'armes" de celui que "la France présentait comme forgeron alors qu'il avait obtenu le certificat d'études primaires, ce qui était loin d'être négligeable à l'époque". L'historien reviendra également sur les préparatifs de l'offensive en "donnant" les noms de certaines personnalités représentant "la troisième voie initiée par le gouverneur Soustelle" et qui étaient des cibles désignées. Merdaci désignera, entre autres, Abbas Bencheikh El-Hocine (1912-1989), celui qui deviendra (de 1982 à sa mort) le recteur de la Mosquée de Paris. Interrogé à la fin de son intervention par Liberté, l'historien s'est montré catégorique sur cette question : "Oui, c'était l'une des cibles de l'offensive, mais il a échappé à la mort parce qu'il était à l'étranger." Merdaci a, néanmoins, précisé qu'"Abbas Bencheikh El-Hocine a rallié la cause après, et d'ailleurs, il a été envoyé comme ambassadeur en Arabie saoudite". Cette rencontre a été l'occasion de confirmer que la soif d'histoire est toujours omniprésente. Les sorties tonitruantes d'Abdelmadjid Merdaci ne pouvaient pas laisser indifférents les présents. Les débats suscités étaient bien houleux. Loin d'être une "tare", cette "demande", encore insatisfaite, a besoin d'autres espaces, livresques et autres. Salim KOUDIL