Le gouvernement prépare une loi qui vise à soustraire la pratique de l'islam en France aux influences extérieures. Les associations cultuelles seront dans l'obligation de déclarer à l'Etat les fonds provenant de l'étranger, notamment du Maghreb et des pays du Golfe. Pour l'Etat français, le problème de l'islam de France vient clairement de l'étranger. Dans le but de le protéger du salafisme et du wahabbisme, le président Emmanuel Macron et son gouvernement entendent mettre en place des verrous juridiques et encadrer avec plus de rigueur la pratique religieuse. On s'apprête dans les faits à réviser la loi de 1905 sur la laïcité. Selon les éléments d'un avant-projet de loi diffusé dans les médias français ces derniers jours, il est question de revoir le fonctionnement des associations cultuelles et d'obtenir une plus grande traçabilité concernant leurs ressources financières. La France souhaite, par exemple, que les organisations musulmanes qui activent sur son territoire soient répertoriées, grâce à un label délivré par l'Etat et renouvelable tous les cinq ans. Ce label conçu comme un gage de fiabilité et de transparence permettra aux associations, par exemple, d'obtenir des avantages fiscaux. Celles-ci auront, en outre, l'avantage de promouvoir leurs propres ressources et de s'émanciper des pourvoyeurs de fonds étrangers grâce à un autre amendement qui les autorise à louer des biens. En contrepartie, les associations cultuelles seront en devoir de déclarer, chaque année, tous leurs revenus au fisc, surtout ceux provenant de l'étranger et dépassant la somme de 10 000 euros. La Cour des comptes sera chargée de contrôler leurs avoirs. En cas d'infraction, des amendes sont prévues, assorties d'une possible confiscation. En revanche, les associations qui présentent une comptabilité conforme à la réglementation pourront prétendre à des subventions publiques pour la réfection de leurs biens. En plus de l'aspect financier, le contrôle qu'entend avoir l'Etat sur les associations cultuelles musulmanes concerne également la qualité des imams. Des dispositions empêchant la mainmise de courants extrémistes sont prévues. L'Etat français veut aussi s'investir davantage dans la formation des imams. La ministre de la Justice, Nicole Beloubet, y voit un chantier important. "L'urgence, explique la ministre, c'est de travailler ‘sur un islam de France qui apporte de l'apaisement', notamment sur la formation des imams", fait-elle savoir. Son nouveau collègue au ministère de l'Intérieur, Christophe Castaner, a indiqué, pour sa part, que des consultations seront menées dès la semaine prochaine avec les représentants de l'islam de France, dont le Conseil français du culte musulman, pour leur soumettre les propositions d'amendement de la loi de 1905. Ces organisations ont réagi il y a quelques semaines, plutôt négativement, à la volonté de régir la pratique de l'islam. Dénonçant l'ingérence de l'Etat, elles estiment que le culte musulman doit été organisé "par les musulmans de France et pour eux-mêmes". Le CFCM prévoit d'ailleurs d'organiser un congrès ce mois de novembre. Il a d'ores et déjà déposé une demande pour l'agrément de l'Association pour le financement et le soutien du culte musulman (AFSCM) qui sera chargé de collecter l'argent de la zakat, les dons des fidèles et des contributions volontaires sur le hallal. Une autre proposition pour le financement de l'islam de France a été faite en septembre dernier par l'Institut Montaigne, un cercle de réflexion indépendant. Elle porte sur l'instauration d'une taxe sur les produits hallal. Mais le gouvernement ne semble pas avoir retenu cette option. De Paris : Samia Lokmane-Khelil