En cette période de saison estivale finissante, marquée par la ridicule et dangereuse polémique sur le burkini qui a affecté les musulmans et libéré la parole raciste, le ministère français de l'Intérieur, chargé des cultes, a pris l'initiative d'avancer dans le dossier de la mise en place de structures considérées comme indispensables pour l'existence en France d'un islam doté des moyens conformes à une pratique religieuse normale. C'est-à-dire sortir la deuxième religion du pays du sous-développement matériel et cultuel, et la libérer de l'idéologie néfaste du salafisme et wahhabisme grâce à la mise en place, en novembre prochain, de deux institutions : une Fondation pour l'islam de France a visée culturelle et une Association à visée cultuelle. Elles constitueront avec le Conseil français du culte musulman (Cfcm) les piliers missionnés pour ancrer l'islam de France dans les valeurs de la République, espèrent les autorités du pays. Pour avancer dans cette démarche le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a convoqué, hier lundi, une «journée de consultations sur l'Islam de France» avec des membres du Cfcm, des personnalités de la société civile et des parlementaires. Dès le matin, avant les réunions de consultations, dans un entretien accordé au quotidien La Croix, le ministre a indiqué que «cette journée constitue une nouvelle étape d'un travail engagé depuis de nombreux mois pour réussir la construction d'un islam de France dans le respect des valeurs de la République». Anticipant sur les propositions qui seront avancées au cours des consultations, Cazeneuve a confirmé que la Fondation sera présidée par Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre de l'Intérieur, de la Défense et de l'Education, actuel président de l'Association d'amitié France-Algérie, et « …traite de la relation entre la République et les musulmans». «Elle a vocation, a-t-il expliqué, à soutenir des projets dans les domaines de l'éducation, de la culture, de l'engagement des jeunes» comme «elle pourra prendre en charge la formation profane des imams, le développement de la recherche en islamologie, être un acteur d'une meilleure connaissance de l'islam à travers ses productions littéraires et artistiques». Chevènement dirigera un Conseil d'administration qui comprendra le président du Cfcm, Anouar Kbibèch, et quatre «personnalités qualifiées» que sont l'islamologue Ghaleb Bencheikh, le recteur de la Grande mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, l'écrivain Tahar Ben Jelloun et la cadre supérieure d'entreprise Najoua Arduini-Elatfani. Le Conseil comprendra aussi trois responsables de ministères (Intérieur, Education, Culture) et deux membres désignés par le «comité des donateurs» de la Fondation. En effet, le budget de celle-ci, 5 à 6 millions d'euros, est à réunir auprès d'entreprises privées ou de personnes physiques, sans que soit exclu l'apport de deniers publics. Si le culturel sera donc de la compétence de la Fondation pour l'islam de France, une autre structure verra le jour, également en novembre, pour prendre en charge le champ cultuel. Il est évident qu'au nom de la laïcité, l'Etat français sera absent de cette structure qui prendrait la forme d'une association (loi 1905), dont la mission essentielle sera le financement de la construction de mosquées et la formation théologique des imams. Sur la question cruciale du financement de cette structure, le président du Cfcm a estimé qu'«on s'oriente vers un financement exclusivement français, qui viendra à la fois de mécènes et qui pourra gérer la collecte de la redevance halal sur laquelle on avance». D'autres sources de financement ne sont, pour l'instant, pas exclues, comme des dons de pays musulmans à condition que cela se fasse dans la transparence, même si pour l'instant le gouvernement affiche son opposition à une telle contribution, des taxes sur les billets d'avions pour le Hadj et autres. La piste de la redevance halal a été confirmée par Chevènement à l'issue des consultations, tandis que Cazeneuve a annoncé une nouvelle initiative avec la création «d'une mission en vue de créer des cursus théologiques dans les universités françaises» destinés à des imams. Comme, il a confirmé que «l'Etat s'abstiendra d'intervenir dans le fonctionnement de l'association cultuelle, présidée par un Français de confession musulmane». M. M.