"En Algérie, le marché n'est pas concurrentiel. Il y a des lobbies qui empêchent le fonctionnement concurrentiel du marché", relève l'économiste, citant, notamment, l'activité d'importation. L'érosion des réserves de changes est inquiétante. C'est ce qu'a indiqué, hier sur les ondes de la radio Chaîne 3 de la Radio nationale, le Pr Mohamed-Cherif Belmihoub. "La situation est préoccupante", a estimé l'économiste, relevant que chaque année l'Algérie a besoin de 20 milliards de dollars pour équilibrer sa balance de paiements. Au-delà de ce calcul arithmétique, c'est la situation globale de l'économie algérienne qui est préoccupante. "Ce qui est préoccupant, c'est la structure de l'économie algérienne, de la balance commerciale", a précisé l'invité de la rédaction de la Chaîne 3, évoquant également le déficit de la balance des services, estimé de 12 à 13 milliards de dollars chaque année. Mohamed-Cherif Belmihoub constate que l'économie algérienne s'enfonce de plus en plus dans la dépendance aux hydrocarbures "parce que nous importons davantage et la production nationale ne suit pas". Selon l'économiste, "on investit peu en Algérie et on consomme plus". À cela s'ajoute la poussée démographique qui n'est pas compensée par une croissance économique. "Notre croissance économique est faible pour le niveau de développement du pays et pour ses capacités", a-t-il expliqué, indiquant que "les usines algériennes ne tournent pas à plein régime". La croissance démographique a repris depuis 2008. Dans un autre modèle économique, ce "baby-boom" aurait pu constituer une aubaine. Mais le modèle économique actuel en Algérie "n'est pas en mesure de satisfaire" les 50 millions d'habitants à venir, pense l'économiste. "Dans les conditions actuelles de fonctionnement de notre économie, 40 millions, c'est trop pour être nourris par la seule ressource que sont les hydrocarbures", soutient-il. Le Pr Mohamed-Cherif Belmihoub évoque l'absence de projet politique ambitieux. "L'Algérie fonctionne depuis un certain nombre d'années avec la loi de finances qui est devenue le document de doctrine, alors que la loi de finances est un instrument administratif et budgétaire", regrette-t-il, plaidant pour des réformes profondes qu'il faut expliquer aux Algériens. L'économiste a critiqué la loi de finances complémentaire 2009, qui a remis en cause les réformes. L'invité de la rédaction de la Chaîne 3 estime qu'il faut libérer totalement l'investissement. Il faut également libérer l'entreprise publique devenue, aujourd'hui, "une administration sous tutelle". Mohamed-Cherif Belmihoub soutient, également, que l'Etat, à travers son intervention, perturbe le fonctionnement du marché. "Aujourd'hui, il est démontré, théoriquement et empiriquement, que le meilleur modèle d'allocation des ressources dans une économie c'est le marché. En Algérie, le marché n'est pas concurrentiel. Il y a des lobbies qui empêchent le fonctionnement concurrentiel du marché", relève l'économiste, citant, notamment, l'activité d'importation. Pour Mohamed-Cherif Belmihoub, la relance de l'économie algérienne est possible. Le marché local est important et solvable. Si les entreprises nationales réussissent sur le marché national, elles pourront conquérir le marché international. L'économiste juge minimes les exportations hors hydrocarbures, estimant qu'il faut aller vers une masse critique d'exportation. Il plaide pour la levée de la règle 51/49. Selon lui, il faudrait la réserver à certains secteurs seulement et ne pas en faire une règle universelle. Il a insisté sur la lutte contre la corruption. "Il faut un consensus politique sur les réformes", souligne Mohamed-Cherif Belmihoub qui craint le syndrome vénézuélien. "Le populisme conduit à des situations comme celle-là, le pays le plus riche d'Amérique latine se retrouve aujourd'hui en banqueroute", a-t-il affirmé, insistant sur la nécessité de rétablir les équilibres. Mohamed-Cherif Belmihoub estime que "pour mobiliser les Algériens, il faut leur expliquer les réformes et leur dire la vérité. C'est un problème de gouvernance. Il faut être transparent. Aujourd'hui le système budgétaire n'est pas transparent. Beaucoup de dépenses ne sont pas dans la loi de finances". Pour l'économiste, "il faut aller dans le sens de construire un Etat qui est le bien commun de tout le monde". Meziane Rabhi