Rien ne semble persuader les Algériens à quitter la rue avant la chute du régime politique en place. Dans la plupart des villes du pays, des milliers de citoyens ont manifesté encore cette semaine pour dire non à la désignation d'Abdelkader Bensalah comme chef de l'Etat et le refus du gouvernement de Noureddine Bedoui, rejetant ainsi la feuille de route du président intérimaire, à savoir l'organisation d'une élection présidentielle le 4 juillet 2019. Dans son discours prononcé mardi à Ouargla, le chef d'état-major de l'ANP et vice-ministre de la Défense nationale, Ahmed Gaïd Salah, a affirmé que "toutes les perspectives possibles restent ouvertes afin de surpasser les difficultés et trouver une solution à la crise dans les meilleurs délais". Le chef d'état-major, qui s'était tenu lors de ses précédents discours au strict respect de l'application de l'article 102 de la Constitution, donnait l'impression d'être ouvert à une autre option en termes de conduite de la transition. Cette déclaration, qui intervenait quelques heures après la démission du président du Conseil constitutionnel, Tayeb Belaïz, s'apparentait à un début de décantation qui allait précipiter la chute des 3 B tant réclamée par le peuple. D'ailleurs, dans ce même discours, il était question d'"instructions claires" pour "la protection des citoyens". Le chef d'état-major a précisé que la décision de l'armée de protéger le peuple est "une décision irréversible quelles que soient les circonstances". Mais l'idée de voir les choses évoluer vers une solution politique s'est vite dissipée avec, notamment, la nomination en un temps record de Kamel Feniche à la fonction de président du Conseil constitutionnel. La célérité avec laquelle cette nomination a été opérée renseigne sur la volonté de maintenir la feuille de route de Bensalah, qui prévoit une élection présidentielle le 4 juillet 2019. Plus encore, la communication officielle sur le sujet ne laisse place à aucun doute. Après la publication au Journal officiel du décret relatif à la convocation du corps électoral, c'est le ministère de l'Intérieur qui annonce qu'une dizaine de candidats ont déposé leur lettre d'intention et retiré les formulaires de collecte de signatures. Paradoxalement, le ministère de l'Intérieur n'a pas dévoilé l'identité des candidats à la candidature de la présidentielle. Donnant l'impression de vivre sur une autre planète, le ministère de la Justice a affirmé que l'opération de révision des listes électorales se déroulait dans de "bonnes conditions", soulignant que seuls quelques magistrats refusent d'assurer l'opération. Ces derniers seront "remplacés", selon le département de la Justice. Pourtant, cette échéance électorale est hypothéquée par la décision des magistrats et de nombreux P/APC de ne pas s'impliquer dans le processus électoral. À la veille du neuvième vendredi de contestation, le système semble être de plus en plus dans une position d'équilibre instable. Face à la ténacité du peuple qui ne veut rien de moins que le départ du système, à sa tête les 3 B, celui-ci incarné par le président intérimaire et son Premier ministre s'entête à faire passer sa feuille de route en organisant cette hypothétique présidentielle du 4 juillet. De son côté, le chef d'état-major continue de jouer à l'équilibriste. Tout en déclarant que "toutes les perspectives possibles restent ouvertes", Gaïd Salah insiste sur le respect des "dispositions de la Constitution pour la conduite de la transition".