Le “tadjine”, récipient en terre — une œuvre purement artistique — dans lequel on cuit la galette, est en train de prendre de l'ascension sur les autres produits artisanaux. La longévité de cet ustensile en terre cuite, provenant des temps lointains, s'explique non seulement par sa fonction utilitaire, mais aussi par son esthétique. Il est devenu, par la même occasion, une activité très lucrative pour les familles démunies de la ville de Batna. “Nous l'achetons aussi bien pour s'en servir que pour décorer l'intérieur de la maison”, explique R. Zahia, une enseignante, sur un ton rieur. Le marché de ce produit artisanal se trouve sur le trottoir en face de la mosquée El Attik où des centaines de tadjines sont exposés quotidiennement. Ces produits animent et créent à eux seuls un spectacle, plutôt une œuvre artistique. Certains font une halte pour admirer ces produits d'art. Les deux types de tadjine, “m'serrah” (simple) ou “bouhabba” (grené : couvert de petits grains) illustrent l'art berbère. Les motifs décoratifs ornant les tadjines présentent une grande ressemblance avec les décors des poteries antiques retrouvées dans la région des Aurès ; mêmes dessins géométriques, même stylisation des éléments naturels, même sobriété… Les principaux motifs décoratifs qui reviennent le plus souvent sont la flèche, qui représente le symbole de la projection cosmique, de l'élan vital et celui du principe mâle fécondant ; le blé (symbole à la fois de la vie et de la mort) ; les graines représentent la semence masculine et symbole à la fois de la mort ; le serpent lunaire, symbole de l'union ; l'olivier, symbole de la force tranquille et bienfaisante ; le losange, symbole de la femme dont il représente le sexe et, par conséquent, la fécondité. Tous ces motifs qui véhiculent des symboles et des représentations sont reproduits de mémoire par les femmes. Elles les exécutent sans connaître leur contenu. Cette activité artisanale mérite d'être encouragée pour perpétuer cet art ancestral aux générations à venir. Avec le développement du tourisme dans la région (dites en chœur Incha Allah !), le tadjine, à l'exemple des autres objets décorés, pourrait acquérir davantage une valeur marchande devenant un objet d'ornementation. En fait, la fabrication de tadjine est devenue l'activité phare des familles démunies. B. Belkacem