Moubarak balise la voie de son nouveau mandat sur le mode pluraliste, mais l'opposition n'est pas dupe face à cette parodie de démocratie. La réélection de Moubarak est en marche. Après que le raïs égyptien ait annoncé, au lendemain des attentats meurtriers de Charm el Cheikh, sa candidature à sa propre succession, la commission électorale a rendu son verdict : le président, qui a déjà rempli cinq mandats, aura face à lui neuf candidats retenus dans un patchwork de 30 prétendants. C'est la première fois que sont organisées en Egypte des élections pluralistes pour désigner un président. Auparavant, l'unique candidat était consacré par voie référendaire, après avoir été adoubé par le parti majoritaire et le Parlement. Moubarak, pressé par les Occidentaux et sérieusement contesté par l'opposition, qui s'est, plus ou moins, rassemblée derrière le slogan Kéfaya (ça suffit !), devait lâcher prise et admettre de concourir face à d'autres prétendants. Cependant, et l'opposition n'avait de cesse de le dénoncer, les conditions d'éligibilité excluent toute candidature capable de battre Moubarak. En fait, les concessions du président égyptien n'ont concerné que des aspects formels. Moubarak, comme ses pairs arabes, ne s'est accommodé que des aspects procéduriers de la démocratie. Les rivaux de Moubarak sont des chefs de partis institutionnels, qui gravitent dans les travées et la périphérie du pouvoir. 32,5 millions d'électeurs sont conviés à choisir, le 7 septembre, leur président et, sauf un improbable incident, Moubarak soufflera sans peine la bougie de son sixième mandat. Les candidatures, susceptibles de lui tenir la dragée haute, ont été rejetées, et pour contrecarrer le mouvement Kéfaya, les services, le gouvernement et le parti de Moubarak ont créé un mouvement plus vaste, dénommé La Kifaya ! La campagne électorale débutera le 17 août et se terminera le 4 septembre et les affiches commencent à fleurir sur les murs. Moubarak jouera sur la lutte antiterroriste et la problématique sécuritaire qui inquiètent les Egyptiens et préoccupent le monde. Âgé de 77 ans, au pouvoir depuis 24 ans et chef du Parti national démocrate (PND), il est d'ores et déjà donné gagnant. Ses deux principaux rivaux, retenus à l'issue de cette sélection, sont Ayman Nour, chef du parti d'opposition libérale Al-Ghad (Demain), et Noumane Goumaâ, chef du Wafd, le traditionnel parti centriste. Les sept autres personnes sont des chefs de partis insignifiants mais dont la fonction est de faire croire à l'existence du multipartisme : l'Oumma (Nation islamique), le Parti constitutionnel, le Parti de la solidarité, le Parti de la justice sociale, le Parti de l'union démocratique, le Parti de la concorde nationale et le Parti socialiste arabe égyptien. Les marxistes du Tagmmoue, les Nassériens et les Frères musulmans, première force d'opposition du pays, bien qu'officiellement interdite, ont décidé de boycotter le scrutin, le qualifiant à l'avance “de parodie de démocratie”. D. B.