Au moins 160 000 personnes ont été déplacées depuis mardi dernier, a indiqué, hier dans un communiqué, le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Gueterres, en appelant à "une désescalade immédiate". Les troupes de Damas se sont rapprochées un peu plus de la frontière avec la Turquie, au lendemain de l'annonce d'un accord par les Kurdes, contraints de se tourner vers Bachar al-Assad pour contenir l'agression militaire des forces turques dans le nord de la Syrie. Après l'annonce du retrait de militaires américains du secteur, les forces kurdes n'ont eu d'autre choix que de réclamer un déploiement de l'armée de Bachar al-Assad près de la frontière pour contrer la progression du voisin turc et de ses mercenaires syriens parmi les milices anti-pouvoir et les groupes terroristes liés à Al-Qaïda. Lancée le 9 octobre dans le Nord syrien, l'opération militaire d'Ankara vise officiellement à instaurer une "zone de sécurité" de 32 km de profondeur pour séparer sa frontière des territoires contrôlés par les Unités de protection du peuple (YPG), milice kurde qualifiée de "terroriste" par la Turquie. Mais dans les faits, la Turquie veut empêcher la création d'un Etat kurde dans la région. Car, actuellement, les Kurdes syriens vivent dans une région semi-autonome, et en Irak ils ont carrément un gouvernement local et un parlement régional qui leur offre une certaine indépendance. Les forces turques ont déjà conquis une bande territoriale longue d'environ 120 km, allant de la ville frontalière de Tal Abyad jusqu'à l'ouest de Ras al-Aïn. Pour parer à la progression des forces turques, l'armée syrienne s'est déployée au sud de Ras al-Aïn, à la périphérie de Tal Tamr. Des combats continuent de faire rage dans cette localité entre les troupes turques et les Forces démocratiques syriennes (FDS), principale coalition de combattants kurdes et arabes. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), certaines unités de l'armée syrienne se sont approchées jusqu'à 6 km de la frontière. Les chars de Damas se sont aussi déployés dans d'autres secteurs du nord, près de Minbej, et aux abords des villes de Tabqa et de Aïn Issa, d'après l'OSDH. L'accord entre les Kurdes et Damas prévoit l'entrée de l'armée dans les villes de Minbej et de Aïn al-Arab, le nom arabe de Kobané, d'après le quotidien Al Watan proche du gouvernement. Les deux villes pourraient se retrouver au cœur des combats. Hier, le président turc Recep Tayyip Erdogan a dit avoir pris une "décision au sujet de Minbej", en phase "d'application". Par ailleurs, l'Union européenne a condamné hier l'intervention militaire turque dans le nord de la Syrie et prépare des sanctions contre les forages illégaux réalisés par la Turquie au large de Chypre, ont annoncé les ministres des Affaires étrangères dans une déclaration. Les Etats membres ne sont en revanche pas parvenus à imposer un embargo sur les ventes d'armes à la Turquie en raison de l'opposition du Royaume-Uni, a-t-on appris de sources diplomatiques. Ils se sont simplement engagés à "adopter des positions nationales fermes concernant leur politique d'exportation d'armements vers la Turquie", relève la déclaration.