Ils étaient, encore une fois, des milliers à manifester avec la même résolution et le même enthousiasme pour le changement radical du régime politique. Onze mois après le sursaut populaire du 22 février, le hirak n'a pris aucune ride. Mieux encore, la détermination des manifestants d'en découdre avec les résidus du système politique érigé sous l'ère Bouteflika est restée intacte. "Le hirak a congédié Bouteflika et une partie de son entourage, nous serions rentrés chez nous aussitôt si pour autant nous avions perçu une véritable rupture avec les pratiques de son legs, mais celui-ci est toujours présent dans les arcanes du pouvoir et très peu de choses dans le mode de gouverner a changé. C'est pourquoi, le hirak ne doit pas s'arrêter en si bon chemin, déjà que certains parient sur son échec. À ceux-là je dis non ; le hirak n'a pas échoué, il a déjà gagné ses lettres de noblesse et continuera à gagner du terrain jusqu'à en finir avec la îssaba", dira Sihem, une hirakiste de la première heure. C'était hier lors du 49e acte de la mobilisation citoyenne dans la capitale de l'est du pays. Irréductibles comme Sihem, ils étaient, encore une fois, des milliers à manifester avec la même résolution et le même enthousiasme pour le changement radical du régime politique. "Noss el-îssaba f'essoujoune, wa enoss raho mâa Tebboune, essahafa zlat el-hirak wa el-adala b'etilifoune" (La moitié de la bande est en prison et l'autre moitié est avec Tebboune, la presse a trahi le hirak et la justice fonctionne encore au téléphone), scandaient-ils en sillonnant les principales artères de la ville. Déçus par la dernière prestation du président de la République devant le panel de responsables de médias, ils s'en sont pris dans leurs slogans et pancartes à ces derniers qu'ils accusent d'être rentrés dans le giron du pouvoir, de lui avoir prêté allégeance et de le courtiser. "C'est M. Tebboune qui tentait maladroitement de recoller les morceaux en rendant hommage au hirak et en avançant qu'il était en train de répondre à toutes ses revendications au moment où l'on n'a pas entendu une seule bonne question du journaliste", dira à ce propos Sihem. Elle qui, depuis le 22 février, évoque avec beaucoup d'amertume la volonté des dirigeants d'exploiter le gaz de schiste, que ce soit dans les forums de débats publics ou sur ses pancartes qui ne la quittent jamais et le temps semble lui avoir donné raison après les dernières déclarations du chef de l'Etat. D'ailleurs, dans leurs slogans et écriteaux, plusieurs manifestants se sont élevés contre cette perspective, jugée désastreuse pour l'environnement et douteuse quant aux bienfaits qu'elle peut avoir sur l'économie nationale. En somme, les irréductibles du hirak à Constantine ont non seulement attesté que leur révolution est en marche en ce 49e vendredi consécutif, mais aussi prouvé pour la énième fois qu'ils sont attentifs à tous les développements et qu'ils restent attachés aux fondamentaux traduits par le soulèvement populaire depuis son avènement.