Les pronostics prédisant la défection totale du hirak après la présidentielle ont été démentis, hier, lors du 44e vendredi de la mobilisation dans la capitale de l'Est. L'investiture de Abdelmadjid Tebboune dans ses fonctions de président «mal élu» de la République n'a aucunement altéré la mobilisation citoyenne. «Not my President», «Pas mon Président», peut-on lire sur de nombreux écriteaux brandis par les manifestants formant les premiers carrés. De toute évidence, le discours tenu par le nouveau locataire du palais d'El Mouradia, jeudi dernier, lors de son intronisation n'a pas convaincu grand monde à Constantine. Pis encore, beaucoup y ont décelé un flou dans la vision de gouvernance. «La hiwar, la chiwar, hatta yaskot ennidham !» (Ni dialogue, ni concertation jusqu'au départ du système), scande la foule qui a repris son parcours, entamé il y a dix mois, en empruntant les artères principales de la ville. Les portraits des détenus d'opinion sont brandis telle une promesse de lutte pour leur libération. C'est d'ailleurs un préalable, selon les hirakistes, à toute proposition de dialogue. «Le hirak est un mouvement et non un parti politique, donc il n'a pas vocation à avoir des représentants. Ses revendications sont connues. Les mesures d'apaisement, dont la libération des détenus d'opinion sans condition, détermineraient les manipulations ou les professions de foi», selon un observateur de la scène politique. La détermination en parfaite communion de ces marcheurs, femmes, hommes et enfants, s'exprime chaque vendredi à travers l'occupation de la rue. Tous unanimes à dénoncer le redéploiement d'un système à la faveur d'une élection imposée. «Sortir en nombre aujourd'hui est la seule réponse à adresser à Abdelmadjid Tebboune, président sans légitimité qui ne s'est pas frontalement positionné concernant les revendications du hirak», laisse-t-on entendre. Les slogans repris inlassablement expriment le désaveu de ce présumé procédé de sortie de crise, qualifié par la vox populi de «machination pour pérenniser le régime en place». «Ô ya îssaba, inthikhabate zawartouha, raïs mahouche charaii wahna manache habssine !» (Ô le gang ! les élections ont été truquées, le Président n'est pas légitime et nous ne nous arrêterons pas), ou encore «Ô ya îssaba, habine yathawrou maâna, wahna rana rafdine, khawetna fi essoujoune !» (Ils veulent dialoguer, mais nous refusons tant que nos frères sont en prison). Vers 15h, la manifestation bat son plein. Au boulevard Belouizdad, les manifestants marquent plusieurs haltes pour clamer, toujours plus fort, les aspirations citoyennes. «Dawla madania machi askaria !» «Y en a marre des généraux !» «Lblad bladna w ndirou raina !» chante-t-on à gorge déployée dans une ambiance festive en dépit de la gravité de la conjoncture. Le combat s'est illustré encore une fois en ce 44e acte de la contestation où la foule a réclamé la restitution de la souveraineté au peuple. Les irréductibles affichent leur détermination à poursuivre la révolution par le truchement, notamment, des rassemblements quotidiens. L'agenda du hirak est, pour l'heure, immuable. «Yahna ya n'touma, maranache habssine» (Soit nous, soit vous, on ne s'arrêtera pas). La messe est dite. Naïma Djekhar