Le hirak à Sidi Bel-Abbès, Mascara et Tiaret, entre autres villes frappées durement par la répression policière ces deux derniers mois, reprend peu à peu ses droits et reconquiert l'espace public déserté. Les vendredis post-élection présidentielle ont été au centre d'une stratégie sécuritaire visant à interdire graduellement les manifestations du mouvement populaire, en commençant par la périphérie. Un plan d'attaque qui a ciblé les wilayas de l'intérieur du pays qu'on a voulu neutraliser dans une logique de confinement géographique du hirak. À Sidi Bel-Abbès, et après une interdiction de manifester imposée par la chasse aux manifestants qui a duré presque deux mois, les hirakistes en sont à leur second vendredi de reconquête de la rue. Un "retour aux affaires" expliqué par M. Abdelkrim, le chef de bureau local d'El Watan, comme une réponse aux appels à la mobilisation générale lancés par les activistes du hirak via les réseaux sociaux. Mais pas seulement, puisque l'afflux de hirakistes venus des wilayas limitrophes telles que Oran, Tlemcen ou encore Aïn Témouchent, a grandement contribué à soutenir le mouvement. Pour lui, la répression policière a été méthodique et graduelle. Elle a commencé à quelques jours du scrutin présidentiel en ciblant avant tout la marche des étudiants, véritable fer de lance du hirak belabésien, et en interpellant une dizaine d'entre eux avant de s'en prendre aux marcheurs du vendredi. Pendant ce temps, on enregistrait plus d'une centaine d'interpellations, souvent musclées, de hirakistes et des arrestations ciblées de figures emblématiques de la contestation locale, parfois au sortir de chez eux. Pour notre interlocuteur, ce sont plutôt les agoras organisées après les manifestations hebdomadaires qui dérangent le plus parce qu'elles impliquent des personnes engagées dans le mouvement. Le journaliste estime également que ce retour à la normale est dicté par la volonté de la police à éviter une image ternie par des agissements qui lui ont porté préjudice comme l'interpellation d'une mère avec sa fille mineure. Ce buzz est également au cœur du mouvement à Mascara qui a enregistré la reprise du hirak vendredi dernier après une interruption forcée de quasiment cinq semaines suite à la répression policière qui s'était abattue sur le mouvement. La vidéo de Hadj Ghermoul tabassé par la police est devenue virale, sortant le hirak dans cette ville de l'anonymat. Là aussi, la mobilisation extra-wilaya a joué en faveur de la reprise de la contestation et l'apport de hirakistes de Tizi Ouzou, de Constantine, de Guelma ou encore de Tiaret a eu un effet salvateur sur la suite du mouvement. Un ingrédient qui a toute son importance jusqu'à faire dire à B. Abdelkader, correspondant de presse à Mascara, que vendredi prochain risque d'être chaud si la mobilisation n'est pas au rendez-vous. Force est de constater que cette mobilisation a également été un facteur déterminant dans la reprise du hirak à Tiaret qui a vécu deux mois de répression policière presque à huis clos et qui se sont soldés par une soixantaine d'interpellations. L'apport de hirakistes d'Alger aura été salutaire pour la reprise du mouvement populaire et la réappropriation de la rue. Si ces villes se sont "libérées", d'autres régions sont toujours soumises à l'état de siège policier à l'exemple de Saïda où il est strictement interdit de manifester depuis maintenant deux mois. Vendredi dernier, ce sont encore huit citoyens qui ont été embarqués par les forces de police.