Pour lutter contre la propagation de l'épidémie de coronavirus, le chef de l'Etat joue sur deux registres : il continue de faire de la pédagogie en sensibilisant sur les bienfaits de la distanciation sociale, tout en brandissant la menace de sanctions contre les récalcitrants. Mais il exclut, pour l'immédiat, le recours au confinement général. "Je peux décider, là, tout de suite, de confiner tout le pays. Mais est-ce que nous avons les moyens de mettre cela en œuvre ?" a affirmé Abdelmadjid Tebboune lors d'une interview accordée mardi soir à trois journalistes algériens. Pour le chef de l'Etat, il n'est pas "raisonnable" de décréter le "confinement dans des wilayas qui ont enregistré deux, un ou aucun cas" de Covid-19. Puis, le chef de l'Etat fera un aveu de taille. Pour lui, le problème n'est pas dans le confinement, mais dans son application. Il donnera l'exemple de la wilaya de Blida et des neuf wilayas concernées par le confinement partiel. "Les mesures édictées ne sont pas appliquées", a-t-il avoué. "Il existe encore des gens qui utilisent leur voiture sans raison", s'est indigné Abdelmadjid Tebboune, qui sort le glaive de la loi. "Nous allons demander aux policiers et aux gendarmes de retirer les véhicules (des récalcitrants, ndlr), de les conduire chez eux et de les présenter ensuite à la justice avec l'accusation de mise en danger d'autrui", a-t-il mis en garde. S'il est parvenu à cette conclusion, le chef de l'Etat est parti d'un constat. Pour lui, des citoyens ne respectent pas assez les mesures de distanciation sociale édictées par les autorités sanitaires. Interrogé sur la capacité de l'Etat à faire face à la propagation de l'épidémie, le président de la République a répondu que le problème ne résidait "pas dans les moyens", mais dans l'absence de discipline des citoyens. "(…) ce qui nous manque, ce ne sont ni les moyens ni les fonds, mais plutôt la discipline", a-t-il répondu. Il a de nouveau demandé aux citoyens d'"éviter les rassemblements et de craindre pour leurs familles et pour eux-mêmes". Il a d'ailleurs mis en cause les rassemblements qui se tiennent dans les quartiers et les villages. Critiqué sur l'insuffisance des mesures qui ont été prises pour faire face à la propagation de l'épidémie, le président de la République réplique. Pour lui, l'Algérie "a pris les mesures" qu'il fallait "avant d'autres pays". Il accusera certains de "malades" puisqu'ils "s'en prennent" à tout ce que font les autorités. Il a assuré que même sur le plan matériel "nous avons les moyens" de faire face à la crise, même si l'épidémie atteignait "le stade 5". Il a énuméré toutes les décisions prises et surtout les moyens mis en œuvre et affirmé que l'Etat "est prêt" à faire plus. "S'il faut engager plus de moyens, je n'hésiterai pas. N'oublions pas que nous avons 60 milliards de réserves de changes. Nous pouvons donc faire face à la situation", a-t-il indiqué. Ce qui prouve que les pénuries dénoncées par des services médicaux ne sont pas dues au manque de moyens. Il admettra "des dysfonctionnements" dans la livraison des masques chirurgicaux et d'autres moyens de protection pour les soignants. Il a expliqué la situation, également, par la pression qui s'exerce sur les pays exportateurs, comme la Chine, qui va livrer des milliers de masques "dans les deux à trois jours". Puis, "nous n'avons pas encore utilisé nos capacités", a-t-il précisé, citant notamment les moyens de l'ANP. Sur le plan politique, Abdelmadjid Tebboune a balayé la polémique sur la destination de l'aide chinoise. "L'armée a suffisamment de moyens pour prendre en charge ses malades (…) Les médecins militaires sont même sur le terrain à aider les civils", a-t-il indiqué. Il a en outre annoncé le report sine die de tous les projets politiques à cause de la situation sanitaire.