Pour maintenir son activité, vu la demande en cette période de confinement, le libraire a trouvé la solution dans les réseaux sociaux qui lui permettent de rester en contact avec ses clients et satisfaire leurs commandes. Erigée en 1889, au cœur de Souk Ahras, ville frontalière, la librairie dénommée Maison Bousdira est un haut lieu d'histoire et de culture. Elle fait partie de l'identité de la cité. En traversant les époques, elle a résisté au temps. À toutes les épreuves sauf à celle du coronavirus. Cet espace étroit mais vaste en savoir n'est plus fréquenté depuis que le maudit virus sévit. Les livres fermés et le rideau baissé. Au grand dam des habitants qui avaient pris l'habitude de s'y croiser. Kheïredine Bousdira, le propriétaire, est quant à lui navré de devoir rompre avec ce rituel, même s'il reconnaît que par ces temps de pandémie, la fermeture des commerces jugés non essentiels est une nécessité. Pour lui, comme pour ses deux enfants, Amine et Skander, les temps sont plutôt difficiles et pas uniquement pour des raisons économiques. "Cet établissement centenaire existe depuis la création de la ville de Souk-Ahras, il est reconnu à travers toute la région comme étant un bastion culturel et nous en sommes particulièrement fiers. Être obligé de fermer boutique, aujourd'hui, ne serait-ce que temporairement, me fait mal", avoue-t-il. "Nous avons, certes, été autorisés à ouvrir entre 10h et midi, depuis maintenant une dizaine de jours, avec l'allègement des conditions de confinement qui ont été fixées aux commerces et à certaines fonctions libérales, mais cette tranche horaire reste insuffisante pour renouer véritablement avec notre activité. Nos clients traditionnels sont nombreux, mais ils ne peuvent plus venir ici comme ils le faisaient fréquemment avant, étant eux-mêmes confinés chez eux dans les autres quartiers de la ville. Seuls ceux qui habitent au centre-ville nous rendent visite pour acheter des livres et des magazines surtout. Il en est qui font des achats pour leurs voisins ou leurs proches, car les gens se remettent à la lecture en ces moments d'enfermement", nous confie ce septuagénaire, bon pied, bon œil. Ceci en précisant que bien que sa librairie ne soit pas un lieu de rassemblement au sens large du terme, il assure que ses fils et lui ont pris toutes les précautions pour faire respecter la distanciation. "Nous portons des masques et des gants en latex et nous exigeons des visiteurs qu'ils s'éloignent le plus possible les uns des autres lorsqu'ils circulent entre les rayons et au moment d'arriver à la caisse", affirme-t-il. Evoquant le manque à gagner qu'il a subi depuis le début de la pandémie, il affirme qu'il n'a pas encore eu le temps d'évaluer les pertes, en estimant toutefois qu'elles seront importantes. "Nous travaillons uniquement sur nos stocks actuellement, puisque les distributeurs sont eux aussi à l'arrêt. Les éditeurs, les fournisseurs et les représentants des messageries, qui avaient l'habitude de se déplacer depuis Alger et Constantine, notamment, ne donnent plus signe de vie. S'agissant des autres articles de papeterie, qui sont aussi au nombre des activités de la Maison Bousdira, c'est vraiment au point mort, avec la fermeture des établissements scolaires", se désole Kheïredine, en nous faisant remarquer qu'il ne fait heureusement pas face à des problèmes de salaire et de loyer, comme la plupart des autres commerces. Il nous apprend ainsi que son fils Amine a, quant à lui, trouvé le moyen de pallier le manque à gagner. "Amine, qui est débrouillard, a eu l'idée de recourir à Internet pour satisfaire le besoin de lecture du public. Il partage régulièrement des photos des livres et des magazines dont nous disposons sur le réseau Facebook. Il y a eu beaucoup de commandes qu'il a honorées en livrant lui-même ses clients à domicile, en prenant les précautions de protection d'usage". À la question de savoir si les libraires, par exemple, ont l'intention de formuler des propositions à même d'atténuer l'impact de la crise sur leur activité, Kheïredine Bousdira répondra qu'on peut déjà penser à une exonération des impôts au titre de l'année 2020 en raison de la baisse du chiffre d'affaires, pour ceux, qui, comme lui disposent de leur propre fonds de commerce. "Pour ce qui est des libraires qui ont des loyers et des salaires à payer, il faudra que l'Etat prenne d'autres mesures d'assistance comme le report des charges fixes. Je suis en train de penser à la dizaine de petites librairies de la ville qui vivent exclusivement de la vente des journaux et des magazines et qui ne reçoivent plus leurs quotas quotidiens et hebdomadaires. Ceci, depuis un mois exactement, lorsque l'imprimerie de Constantine a décidé de réduire les tirages et donc les quotas qui revenaient aux libraires et aux buralistes. Il faut ajouter à cela les dysfonctionnements que connaissent les réseaux de messagerie, soumis à autorisation et qui ne livrent plus que les grandes agglomérations, au détriment des petites villes. Personne n'a encore fait le point sur les pertes enregistrées en matière de ventes, mais il est presque certain que le bilan, à mettre sur le compte du Covid-19, sera catastrophique pour tous", conclut notre interlocuteur.