Les luttes d'influence opposant les grandes puissances divisent davantage une communauté internationale incapable de s'entendre sur le respect de l'embargo onusien sur les armes en Libye. L'implication russe en Libye continue de susciter des remous, mais surtout une offensive médiatico-diplomatique des Etats-Unis qui accusent Moscou de chercher à faire de la Libye son bastion en Afrique du Nord, en profitant de l'impasse politique dans ce pays pour asseoir son influence. Pour Washington, ce n'est pas la victoire militaire d'une partie libyenne sur une autre qui détermine le jeu russe, mais la persistance du conflit l'aide dans sa stratégie de déploiement dans le bassin méditerranéen où elle dispose déjà d'un pied-à-terre en Syrie. "En ce qui concerne le soutien à l'armée nationale libyenne et le soutien au maréchal Haftar, il ne s'agit pas vraiment de gagner la guerre, mais plutôt de créer des bastions", a déclaré le brigadier-général Gregory Hadfield, directeur adjoint du département du renseignement du commandement américain en Afrique, vendredi soir à un groupe de journalistes, a rapporté l'agence de presse Reuters. Pour étayer ses dires, le général américain évoque le déploiement de 14 avions de chasse russes de types MIG-29 et Sukhoi-24 dans la base aérienne de la région d'Al-Jafra, dans l'est du pays, sous contrôle des autorités parallèles et de l'Armée nationale libyenne (ANL) de Khalifa Haftar. "Si Moscou garantit un emplacement permanent en Libye, et le pire, si des systèmes de missiles à longue portée sont déployés, cela changera les règles du jeu pour l'Europe, l'Otan et de nombreux pays occidentaux", a-t-il ajouté, selon toujours Reuters. Poursuivant leurs attaques contre la Russie, les Etats-Unis ont même évoqué la possibilité de recourir à l'usage de ses brigades présentes en Tunisie pour contrer un présumé danger russe dans la région, a indiqué vendredi soir l'armée américaine. "Alors que la Russie continue d'alimenter les flammes du conflit libyen, la sécurité régionale en Afrique du Nord suscite de plus en plus d'inquiétudes", a ajouté pour sa part le commandement de l'armée américaine en Afrique (Africom) dans un communiqué. "Nous étudions avec la Tunisie de nouveaux moyens de répondre aux problèmes de sécurité communs, y compris le recours à notre brigade pour l'assistance à la sécurité", a-t-il affirmé. Depuis plusieurs jours, les Etats-Unis ont multiplié leurs attaques contre la Russie, après la publication d'informations de rapports confidentiels de l'ONU sur l'appui militaire russe à Khalifa Haftar, dans la guerre qu'il mène depuis un an contre le Gouvernement d'union nationale (GNA) légitime de Tripoli. Une société russe dénommée Wagner, très présente en Syrie, est accusée d'avoir déployé quelque 2 000 mercenaires syriens en Libye en appui à Haftar, ce que le Kremlin a formellement démenti, niant aussi toute implication du gouvernement russe. La révélation de ces informations a contraint la semaine dernière Wagner à retirer son personnel et son matériel des portes de Tripoli, sans fournir la moindre explication, au moment où Haftar continue de subir défaite sur défaite dans l'ouest de la Libye, face aux troupes du GNA qui bénéficient du soutien militaire turc de plus en plus important.