La condamnation, à une peine de trois ans ferme, du journaliste Khaled Drareni remet au goût du jour la précarité juridique du métier de journaliste. Cette sentence, la plus lourde jamais prononcée contre un journaliste condamné pour avoir exercé son métier, donne une preuve supplémentaire du fossé qui sépare les lois pourtant protectrices de la liberté de la presse et une réalité bien plus amère. Face au journaliste Khaled Drareni, qui a prouvé au tribunal que son arrestation est liée avant tout à son travail de journaliste, la juge a opposé des poursuites liées au droit commun. Pour éviter d'appliquer les termes du code de l'information, qui interdisent l'emprisonnement d'un journaliste, les autorités évoquent le code pénal. Pour éviter de devoir appliquer le code de l'information, les autorités semblent avoir trouvé l'arme fatale. Des journalistes, y compris parmi les plus chevronnés, indiquent que les enquêteurs et des juges posent désormais systématiquement la question sur la détention, par le concerné, de la carte de journaliste professionnel. Délivrée depuis 2014 par une commission constituée de journalistes, cette carte devait être temporaire. Parmi ceux qui l'ont obtenue, beaucoup n'exercent plus le métier de journaliste. Mais ils ont ce sésame que n'ont pas d'autres vrais journalistes qui, pour des raisons diverses, n'ont pas le document. "Nous avons essayé de nous défendre en indiquant que nous étions journalistes, les enquêteurs exigent la carte professionnelle officielle. Tout autre document, ou même notre parcours d'anciens journalistes reconnus n'a pas suffi", témoigne un journaliste qui a derrière lui une carrière de trente ans, qui a été un jour auditionné par des gendarmes. Les correspondants et collaborateurs des médias étrangers sont les plus touchés par ce chantage à la carte "de journaliste professionnel". Certains d'entre eux peinent à obtenir l'accréditation à cause de l'absence de cette carte qui n'est plus délivrée depuis de longues années. La difficulté est plus accrue chez les correspondants des médias français dont les entreprises médiatiques ne délivrent pas de cartes professionnelles, la tâche incombant à une commission nationale composée essentiellement d'hommes et de femmes des médias. Pourtant, le statut de journaliste de 2012 est clair : est journaliste celui qui tire au moins 50% de ses revenus d'une activité journalistique ou tout autre métier lié aux médias. Mais cela semble être mis de côté. Ce qui a poussé des journalistes à réfléchir à des actions qui permettent de régler définitivement la fameuse question : qui est journaliste et qui ne l'est pas ? Et cela, seuls les professionnels peuvent le faire. Ali Boukhlef