Sur 800 détenus libérés en 2004, seuls 350 ont pu bénéficier d'une insertion effective grâce aux efforts de la coordination pour la réinsertion des détenus de cette région. “Quand un jeune de 17 ou 18 ans sur lequel on trouve un ou deux joints de kif est arrêté puis incarcéré, que deviendra t-il à sa sortie de prison où il aura fréquenté la pègre ? S'il n'est pas pris en charge, il deviendra "dealer"”. Cette certitude avancée par un responsable de la Coordination pour la réinsertion des détenus de Annaba, Rachid Saïdani, témoigne de l'importance de l'action de réinsertion, qui a été longtemps ignorée, avant la création d'associations décidées à s'attaquer à ce problème pour rendre sa dignité au détenu qui a payé sa dette envers la société, et, partant, d'éviter les récidives. Cette coordination, qui se définit comme une ONG, active depuis 2000 et étend ses ramifications dans les 48 wilayas du pays. À son tableau, pour l'année 2004, la réinsertion effective à Annaba de 350 détenus libérés sur les 800 qu'elle avait pris en charge à leur sortie de prison. Certains, grâce à des efforts de persuasion et de sensibilisation, ont pu être réintégrés dans leurs postes d'emploi, bien que le secteur public soit plus réticent, selon notre interlocuteur à reprendre dans son giron d'anciens “taulards”, alors que le privé est beaucoup plus “ouvert”. D'autres ont pu être embauchés par le biais de cette association dans des entreprises, particulièrement celles du bâtiment, où la demande de main-d'œuvre est importante. “Nous nous occupons, en outre, des familles des détenus pendant leur incarcération, du moins celles qui sont démunies, en leur achetant le nécessaire lors de la rentrée scolaire ou des fêtes (Aïd...) “Nous ciblons en particulier les personnes qui sont condamnées pour la première fois, et que nous tentons de remettre sur le droit chemin. d'abord, par un premier travail avec les assistantes sociales au cours de la détention, où le détenu comprend qu'il n'est pas seul, prenant en charge ses problèmes de santé que l'Etat n'est pas toujours en mesure d'assurer, (surtout pour ceux souffrant de maladies chroniques) et en recensant ses difficultés sociales ; puis, nous multiplions les contacts avec sa famille pour qu'il soit entouré le plus possible, afin de tenter d'effacer les séquelles laissées par la prison et faciliter ainsi la réinsertion.” Mais il y a aussi des récidivistes qui réussissent leur réinsertion, comme celui de Bilel, la trentaine, condamné une première fois à trois ans pour vol, puis à 7 ans pour crime, et qui est devenu “un exemple de bonne conduite et de civisme”, selon son entourage. Travailleur et sérieux, Bilel a décidé une fois pour toutes de tirer un trait sur son passé, grâce à l'environnement favorable qu'il a trouvé à sa sortie de prison. Mais l'action de cette ONG constituée d'une dizaine de bénévoles exerçant des professions libérales pour la plupart, entourés d'un millier d'adhérents, généralement des familles de détenus ou d'anciens détenus, (dont l'action se limite à payer une cotisation de 200 DA par an) commence à s'essouffler, faute de moyens financiers suffisants. Suivi social de l'ex-détenu réinséré pendant des périodes suffisamment longues en lui rendant visite sur son lieu de travail et chez sa famille, apport d'un soutien moral qui va le réconcilier avec la société et avec lui-même, sont autant d'actions planifiées, mais irréalisables pour le moment. La Coordination pour la réinsertion des détenus aimerait également, si ses propres moyens étaient renforcés par une subvention régulière de l'Etat, pouvoir procurer aux détenus indigents une assistance “juridique” qui l'aiderait en matière de procédure, comme pour ceux, par exemple qui font des peines de prison et qui sont reconnus innocents à l'issue de leur incarcération, ou en leur payant les services d'un avocat. Le premier bilan de ces cinq années de travail de cette ONG fait état d'une baisse sensible de récidivistes, un résultat auquel il faudrait aussi mêler l'action dissuasive des services de sécurité versés dans la lutte contre la délinquance. “Les fruits de notre action ne seront vraiment visibles que plus tard, quand nous obtiendrons des taux de réinsertion sociale vraiment élevés, pour peu que les autorités locales nous aident dans ce sens, sinon nous finirons par nous décourager et abandonner, faute de moyens, une action si bien commencée.” Hafiza M.