La crise provoquée par la Covid-19 a grandement participé à la mise à nu des carences et insuffisances du système national de santé. L'avènement de la pandémie a contribué à arracher les derniers oripeaux dont se prévalait encore le système de santé algérien. Pourtant, pour les professionnels du secteur, les difficultés rencontrées dans la gestion du coronavirus ne sont que la conséquence directe d'un système qui a prouvé son total décalage avec les exigences du terrain. Pour résumer, et selon eux, la crise du système de santé algérien n'a pas été provoquée par la Covid-19 puisqu'elle lui est bien antérieure, mais elle a grandement participé à la mise à nu des carences et insuffisances rencontrées depuis mars dernier au niveau des établissements hospitaliers. De fait, tous les acteurs sanitaires tirent la sonnette d'alarme devant une deuxième vague qui se transforme en un véritable tsunami avec le nombre effarant des nouveaux cas positifs. Une situation qui n'a pas été entièrement anticipée par les responsables du secteur puisque, fin juillet, le ministre de la Santé rassurait sur la situation des hôpitaux et la prise en charge des cas de coronavirus. Il a déclaré, à ce sujet, que la situation des hôpitaux s'est "stabilisée et elle est en nette et en constante amélioration", précisant que ce qui a été "acquis" jusqu'à présent va aider son département à améliorer encore le dispositif. Un satisfecit submergé, quatre mois plus tard, par l'ampleur de la deuxième vague. Actuellement, la majorité si ce n'est la totalité des hôpitaux doit faire face au manque criant de lits de réanimation, d'oxygène, de réactifs pour les tests sérologiques et de PCR.Un manque dans les équipements, mais aussi dans la mauvaise gestion des effectifs qui trahit une politique nationale de santé dépassée depuis au moins une vingtaine d'années. L'Algérie, qui avait presque quatre mois pour s'organiser devant la propagation du virus — les premiers morts ont été enregistrés en mars —, ne s'est pas préparée à cause de son incapacité chronique à mobiliser la logistique adéquate. Ainsi, les premiers mois de la pandémie ont vu le secteur faire face à une désorganisation totale, une absence de stratégie de riposte et à des besoins vitaux tardivement satisfaits. Le constat implacable des professionnels Masques chirurgicaux, charlottes, gants, le minimum syndical pour faire face aux urgences n'était pas disponible. Au plus fort de la crise sanitaire, des voix se sont élevées pour dénoncer "l'échec du système de santé", comme celle de la SG du PT, Louisa Hanoune, à propos de la gestion de la crise sanitaire. Comme réponse, les certitudes du ministre de la Santé, Abderrahmane Benbouzid, qui avait rétorqué, le 30 avril dernier, que la propagation de la Covid-19 "ne signifie pas l'échec de notre système de santé". Un grand écart qui résume parfaitement les divergences entre le constat implacable et froid des professionnels et de la population et le discours lénifiant des responsables centraux. Le 20 avril, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, appelait à une révision "dans le fond" et "en détail" du système sanitaire. Une déclaration qui venait quatre jours après celle de Benbouzid qui avait plaidé pour "une refonte totale du système national de santé". Il a relevé, à ce propos, "beaucoup de dysfonctionnements" ou encore "une mauvaise répartition des ressources" faute de pouvoir identifier "des activités en amont pour parvenir à relever les performances de tel ou tel autre service". Avant eux, le Premier ministre s'était prononcé sur cette question en annonçant, le 30 mars, la refonte totale du système de santé, une fois transcendée l'épreuve du coronavirus. "Cette crise a montré certaines insuffisances dans notre système de santé", avait avoué Abdelaziz Djerad. Ainsi, ce dossier est remis officiellement à l'ordre du jour, et il est question, pêle-mêle, de "contractualisation", de reconsidération de "la gratuité des soins", de "suppression du service civil", de "primes et de revalorisation des salaires" et de la création d'une "agence nationale de sécurité sanitaire". Une refonte que d'aucuns estiment essentielle à tel point qu'elle est devenue un enjeu électoral évoqué par les candidats à la dernière présidentielle. Pourtant, à entendre les explications des officiels du secteur, cette réflexion autour de la santé n'a pas de lien de cause à effet avec la pandémie actuelle. Cependant, en attendant de mener à bien cette réforme de la politique nationale de santé, la pandémie continue d'asphyxier les hôpitaux algériens. Rappelons que jusqu'au 8 septembre dernier, 120 professionnels de la santé sont morts en Algérie, tués par le virus, et plus de 5 000 autres ont été contaminés, selon le Dr Lyès Merabet, président du Syndicat des praticiens de la santé publique (SNPSP).