Tout comme l'élection présidentielle du 12 décembre 2019 et la révision de la Constitution, le 1er novembre 2020, la révision de la loi organique portant régime électoral est visiblement loin de susciter le débat et l'engouement que mériterait, en temps normal, le processus devant mener à l'adoption d'une loi aussi importante dans le fonctionnement de la vie politique nationale. Annoncée le 13 décembre dernier à travers une vidéo postée sur Twitter par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, alors encore hospitalisé en Allemagne, cette révision de la loi électorale se déroule dans une ambiance quasi similaire à celle qui a prévalu tout au long du processus ayant conduit à la révision de la loi fondamentale. À son annonce déjà, cet amendement du code électoral n'a pas manqué de générer un certain "agacement" que ce soit dans les milieux politiques ou dans le milieu populaire où le Président était attendu plutôt sur les questions urgentes, sinon plus prioritaires, telles que les effets de la crise sanitaire qui a réduit des pans entiers de la société à la pauvreté, les mesures d'apaisement dont la libération des détenus d'opinion, et surtout les réformes économiques à entreprendre pour sortir de la crise qui mine sérieusement le pays. Preuve de cet agacement, les Algériens n'ont cessé depuis de s'interroger sur le choix du timing pour aborder une telle question pour un Président qui effectue sa toute première sortie après une absence de plus d'un mois pour des soins à l'étranger. L'instruction faite, à la même occasion aux institutions concernées, de finaliser le texte de loi en question entre 10 à 15 jours a laissé bon nombre de "mauvaises langues" de conclure par anticipation à "un sérieux bâclage". Ce qui a conduit naturellement le peuple, dans sa large proportion, à vite se détourner de ce processus. Mais au-delà de ces questions de forme, c'est surtout pour des raisons fondamentalement politiques que la révision de la loi électorale suscite peu d'intérêt que ce soit au sein du peuple qui demeure globalement attaché à sa revendication de "changement radical du système" ou encore parmi les partis politiques, notamment d'opposition qui refusent toute adhésion à l'agenda du pouvoir sans passer par une transition démocratique. En effet, ce sont les alliés traditionnels dont le FLN, le RND et quelques partis islamistes sans grande influence, ainsi que quelques "experts" et "spécialistes" qui tentent laborieusement, mais question de repositionnement oblige, de défendre ce projet. Sinon, très peu de monde se risque à débattre ou même d'évoquer cette révision de la loi électorale. Si, en effet, au FLN et au RND, les réunions se multiplient pour participer à l'enrichissement du texte remis aux partis politique, le 19 janvier dernier, et sur les plateaux de télévision experts et spécialistes en droit défilent pour assurer la vulgarisation de ce que les concepteurs de ce projet présentent comme étant "une loi qui vise la consécration de la démocratie, la moralisation de la vie politique et la garantie du libre choix loin de toute influence matérielle", ni les partis d'opposition, ni la société civile, ni encore le peuple, qui campent toujours sur la ligne de démarcation tracée du temps du Hirak, ne semblent accorder un quelconque intérêt particulier à ce projet. C'est ce qu'a affirmé, entre autres, le FFS qui a déjà exclu sa participation à tout processus électoral dans l'immédiat. "Les élections, quelles que soient leur nature et leur importance, ou la globalité des lois sur lesquelles elles s'appuient, ne sont jamais la démocratie mais plutôt un aboutissement de celle-ci", a déclaré, à l'occasion, le premier secrétaire du parti, Youcef Aouchiche, estimant que "dans les conditions actuelles, les élections ne joueront aucun rôle dans le changement attendu". Pour lui, "une opération électorale doit s'inscrire dans le cadre d'une stratégie nationale aux contours clairs pour l'édification d'un Etat d'institutions et la consécration de la souveraineté populaire" et qu'elle doit surtout être "précédée par des mesures d'apaisement, l'ouverture du champ politique et médiatique et la levée des contraintes sur les libertés individuelles et collectives". Le RCD qui a eu à s'exprimer également sur cette révision de la loi électorale a été, quant à lui, jusqu'à reposer le préalable de la mise en place d'une instance réellement indépendante des élections. "Il faut une autorité nationale réellement indépendante pour assainir le fichier électoral, veiller à l'égalité des chances et assurer la transparence", a déclaré, il y a quelques jours, Athmane Mazouz. Mais en dépit de ce peu d'intérêt, le pouvoir semble, encore une fois, être déterminé à poursuivre la mise en œuvre de sa feuille de route, quitte à élargir la fracture déjà béante entre lui et le peuple.