À Béjaïa, la 117e marche a réussi hier un double pari. Celui de la mobilisation populaire et de son organisation sans l'introduction de demande d'autorisation au préalable comme exigé par le ministre de l'Intérieur dans son dernier communiqué. Des milliers de manifestants ont, en effet, battu le pavé dans les grandes artères du chef-lieu de wilaya. La ville a été submergée par une marée humaine à perte de vue. Brandissant l'emblème amazigh, le drapeau national et des pancartes sur lesquelles étaient écrits les slogans habituels du Hirak, les manifestants scandaient à gorges déployées "Ulac l'vot m3a el-îssaba" (pas d'élection avec la bande), "Dawla madania, machi 3askaria" (Etat civil et non militaire), "Libérez les détenus", "Y en a marre de ce pouvoir"... Durant toute la marche, les manifestants n'ont pas cessé de vilipender le pouvoir en scandant les slogans hostiles au régime et à la tenue des élections législatives du 12 juin prochain. Sur tout le parcours de la marche, pas l'ombre d'un policier même si des renforts d'intervention anti-émeute avaient été stationnés la matinée derrière le siège de la sûreté de wilaya, prêts à intervenir à tout moment pour empêcher la marche. Le pire était alors à craindre, mais finalement, la police n'a pas osé intervenir, probablement à cause de l'impressionnante mobilisation populaire et la marche a gardé son caractère pacifique. À noter que quatre manifestants ont été arrêtés, et cet incident a failli faire déraper cette marche. À Annaba, les activistes du Hirak n'ont pas marché, hier, vu le dispositif de sécurité impressionnant qui a été installé dès la mi-journée au niveau du Cours de la Révolution et des principales avenues du centre-ville. La présence de plusieurs dizaines de véhicules blindés de la police stationnés de part et d'autre de la place principale et la nuée d'agents des brigades d'intervention ont, en effet, découragé les plus téméraires des inconditionnels du mouvement de protestation, lesquels ont préféré éviter tout attroupement par crainte d'affrontement. Des policiers en civil postés à des points stratégiques, notamment à hauteur des rues Gambetta et Ben Badis et du noulevard du 1er-Novembre, se sont fait un devoir de filtrer les personnes des deux sexes se dirigeant vers l'esplanade du théâtre régional Azzedine-Medjoubi, connu pour être le lieu de mobilisation habituel des hirakistes. Des témoins rapportent de nombreuses arrestations parmi les figures de proue du mouvement populaire dans la ville côtière. Une source policière a assuré qu'une centaine d'individus, dont des femmes, ont été interpellés et conduits vers le siège de la sureté de wilaya et les différents commissariats d'arrondissement entre 14h et 16h. Sept hirakistes ont été interpellés, hier, à Oran, selon un premier décompte arrêté à 16h. Il était quasiment impossible de circuler au niveau de la place du 1er-Novembre sans se faire contrôler par les policiers qui ont été déployés en nombre un peu partout au centre-ville d'Oran. Il est 14h15 lorsque les premières arrestations ont lieu sur la place d'Armes quadrillée par un fort contingent policier en uniforme et en civil lorsque les premiers slogans se font entendre du côté d'un groupe de manifestants qui s'était installé sur les marches du TRO adjacent à la place. Ainsi, trois jeunes brandissant l'emblème national et scandant "Dawla madania machi, aâskaria" ont été embarqués manu militari par des policiers alors qu'ils essayaient d'investir le centre de la place d'Armes. Un autre hirakiste a indiqué, sur son compte Facebook, que deux policiers en civil l'attendaient à l'entrée de son immeuble. C'est dire que le déploiement sécuritaire qui caractérise tout vendredi à Oran, depuis maintenant un peu plus d'un mois, ne laisse aucun doute sur les intentions du gouvernement de répondre par la répression et l'intimidation aux exigences démocratiques du peuple. Du côté des hirakistes, il y a eu des tentatives d'investir la rue depuis la rue d'Arzew ou du côté des ruelles Saint-Pierre et Cavaignac, vite réprimées par des policiers à moto ou ceux appelés voltigeurs. Par ailleurs, des arrestations ont été signalées à Jijel dont le correspondant local d'El Watan. À Bordj Bou-Arréridj, la marche a eu lieu en dépit de la faible mobilisation.