Elle a livré une bataille acharnée contre le coronavirus depuis son apparition. De sa position de directrice de l'hôpital Birtraria d'El-Biar (Alger), Karima Si Mohand n'a pas cessé de sensibiliser les citoyens, via les réseaux sociaux, quand elle réussit à trouver un moment durant ses journées chargées. Ayant un sens de l'initiative, dès l'apparition de ce maudit virus, elle a déployé une stratégie efficace pour soulager les malades et assurer une meilleure prise en charge. Mais voilà que le destin lui a joué un mauvais tour. Le virus a fini par avoir raison de cette vaillante femme. Elle a rendu l'âme, jeudi passé, laissant sa famille endeuillée. Birtraria perd son pilier central. Cet hôpital est comme plongé dans l'inconnu, le personnel peine à se remettre de cette disparition inattendue. "C'est elle qui a construit Birtraria", témoigne, Sid Idris Nassim, chef du service de chirurgie générale de cet hôpital. Sur les réseaux sociaux, les hommages fusent de partout, témoignant de la générosité d'une femme qui se bat pour les malades. L'engagement sans faille de cette maman de 52 ans, partie trop tôt, a marqué les esprits pour avoir mené un combat en faveur d'une cause noble et, non des moindres : celle de sauver des vies humaines. Tous ceux l'ayant connue sont unanimes sur sa bonté et son amour pour les malades, pour lesquels elle a sacrifié son énergie et sa santé, et ce, sans concession aucune. Après avoir occupé durant une dizaine d'années le poste d'économe à l'hôpital Birtraria d'El-Biar, elle a été nommée directrice de cet établissement en 2010, une nomination qui lui a permis de s'imposer pour changer les choses, notamment redonner vie à cet hôpital au sens propre et au sens figuré du terme. Malheureusement, cette battante, qui s'est donnée corps et âme pour les patients, le personnel soignant et l'établissement, a rendu son dernier souffle, jeudi, épuisée face au satané coronavirus qu'elle a combattu deux ans durant pour assurer la survie des contaminés. D'ailleurs, cette disparition a provoqué l'émoi au sein de cette structure hospitalière mais pas que... Les internautes, entre personnel soignant et anciens malades l'ayant connue ou côtoyée, sont bouleversés par cette nouvelle et n'ont pas manqué de le relever sur les réseaux sociaux, afin de lui rendre un ultime hommage. Et dans leurs posts, ils sont unanimes sur la bonté de cette femme chevronnée qui, tout au long de sa carrière, a privilégié les patients au détriment de sa santé et de sa vie personnelle. À ce propos, le Pr Sid Idris Nassim, chef de service de chirurgie générale, nous a confié que cette "'femme en blanc', amie d'une trentaine d'années, est toujours restée égale à elle-même. C'est une grande dame, qui aime son métier, pas celui de gestionnaire, mais de responsable médicale. Elle aime le patient passionnément, même plus que le médecin." Et d'ajouter : "Elle a toujours été proche des malades. À chaque fois qu'on la sollicite pour un patient, elle se plie en dix, et ce, au détriment de sa santé, de ses relations avec les chefs des services." À ce sujet, le Pr Sid Idris, s'est remémoré une anecdote : "Pour les patients, il lui est arrivé de s'accrocher avec les médecins. Nous nous sommes disputés plus d'une fois pour faire passer un malade, car ils étaient sa priorité. Pour elle, ces patients étaient tous identiques ; elle ne faisait aucun favoritisme, qu'ils soient riches ou pauvres, tout le monde était sur le même pied d'égalité." Notre interlocuteur a, entre autres, insisté sur le fait que Karima Si Mohand a donné son âme pour la santé, "elle est peut-être partie, mais elle a laissé un nom, une empreinte. Elle se battait pour le malade, pour l'oxygène... sa vie était un combat continu". Le malade au cœur de ses préoccupations Comme le soulignait le Pr Sid Idris Nassim, Karima Si Mohand était plus qu'une directrice, qui veillait à remplir sa fonction de gestionnaire, mais un soldat qui s'attelait à réussir sa mission au coût de sa vie personnelle. "Elle ne prenait jamais de congé ni de journée de repos, elle était là tous les jours du matin au soir, dans son bureau. D'ailleurs, elle a fini par s'installer à l'hôpital pour être plus proche du personnel soignant et des malades", nous a confié Mohamed Merouane Hamzaoui, sous-directeur des services de santé, rencontré dans la matinée d'hier à l'hôpital. D'emblée, il nous raconte d'un ton peiné que "Mme Si Mohand était une femme en or", un exemple pour tous. "La porte de son bureau était ouverte à tous. Elle ne favorisait personne, du professeur à l'agent de sécurité, sans distinction aucune, elle apportait spontanément son aide", se souvient son intérimaire. Toujours sous le choc de cette disparition, il confie que nul ne pensait qu'elle pouvait partir "tellement elle était forte, courageuse et combattante". Sur ce point, M. Hamzaoui indique : "Elle est tombée malade le 11 décembre, et ne voulait pas lâcher prise. Après son admission ici, nous devions la transférer à l'hôpital de Aïn-Naâdja, mais elle refusait catégoriquement de quitter 'sa maison' ". Au bout de plusieurs semaines d'hospitalisation, l'espoir regagne le personnel, mais Karima a fini par succomber. "Elle nous laisse un grand vide. C'était notre référence, un repère à Birtraria", regrette-t-il. Cette acharnée du boulot, connue pour être minutieuse et consciencieuse, ne laissait rien échapper. "Si nous étions tous à bout de souffle à cause de la pandémie, Karima n'a jamais abandonné son poste. Toujours présente ! Elle ne voulait pas s'arrêter, car seuls les malades étaient sa priorité", témoigne M. Hamzaoui. D'ailleurs, quand la pandémie a gagné du terrain en Algérie au début de 2020, Karima Si Mohand a eu l'ingénieuse idée d'installer des chapiteaux pour les gens souffrant de détresse respiratoire. "Comme nous n'avions plus de lits, elle a improvisé, pour sauver les cas qui ne pouvaient être installés dans les chambres. Nous avons même fourni de l'oxygène aux malades dans leurs voitures. Elle n'acceptait pas l'idée de laisser partir une seule personne sans avoir reçu des soins !" Aussi, lors de la troisième vague (juillet-août 2021), lors de la pénurie de médicaments et d'oxygène, elle s'est démenée pour avoir le nécessaire, mobilisant des amis et des contacts à l'étranger ; en contactant de grandes entreprises pour l'hébergement et le transport du personnel résidant en dehors d'Alger... Les patients étaient la grande passion pour cette vaillante femme parti très tôt.