La détérioration des relations diplomatiques, qui frise la rupture entre Paris et Bamako, pose les jalons d'un bouleversement du dispositif de la lutte contre le terrorisme au Mali, dont l'impact pourra toucher d'autres pays du Sahel, où le sentiment anti-français est réel. Après des semaines de tensions diplomatiques ayant abouti lundi à l'expulsion de l'ambassadeur de France à Bamako, c'est l'avenir de l'opération Barkhane qui est mis sur la table. Et Paris se donne un délai de deux semaines pour trancher cette lancinante question. "La situation ne peut pas rester en l'état", a déclaré hier le porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal, lors de son passage sur Franceinfo, expliquant que "d'ici la mi-février, on va travailler avec nos partenaires pour voir quelle est l'évolution de notre présence sur place" et "pour prévoir une adaptation". Et d'insister sur le fait que tout retrait total des quelque 5000 soldats de l'opération Barkhane, dont plus de la moitié est déployée au Mali, ne peut pas se faire sans consulter les partenaires européens de l'opération Takuba. "Ce n'est pas un sujet franco-français, pas une intervention franco-française", a fait savoir M. Attal. "On ne va pas le décider seuls", a-t-il expliqué. Le sujet est en effet délicat pour la France qui "a pris acte" de l'expuslion de son représentant diplomatique par les militaires au pouvoir à Bamako, ajoutant à ce propos que cette décision "est une étape supplémentaire dans l'isolement dont fait preuve cette junte". Le porte-parole du gouvernement français reconnaît toutefois que les discussions sont "rendues difficiles" avec le chef de la junte Assimi Goïta, dont la politique sécuritaire et l'appel au service de la controversée société russe Wagner ont provoqué des remous, y compris chez les pays membres de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) et de l'Union africaine qui apporté son soutien aux sanctions de cette organisation ouest-africaine. De fait, les discussions entre Européens vont déjà bon train en coulisses depuis la récente décision de la junte d'exiger le retrait d'un contingent de forces spéciales danoises, venu grossir les rangs de la force Takuba, qui regroupe 800 militaires au Mali. "Les pays prendront dans les 14 prochains jours une décision sur ce à quoi devrait ressembler le futur de la lutte contre le terrorisme au Sahel", avait déclaré vendredi la ministre danoise de la Défense Trine Bramsen. Takuba est un groupement de forces spéciales européennes créé en 2020 à l'initiative de la France, en vue de partager le fardeau de la lutte antiterroriste au Sahel. "Moscou ne parviendra pas, par l'envoi de mercenaires, à inciter les Occidentaux à se retirer quasi automatiquement partout où la Russie ne veut pas nous voir", avait déjà réagi la ministre allemande de la Défense, Christine Lambrecht, dans le journal Welt am Sonntag. Mais avec les récents changement de la donne, que décidera Paris dont la coopération militaire avec Bamako a fonctionné durant neuf ans, en restant loin des conflits politiques et idéologiques ? En tout cas, le retrait des soldats français du Mali ne se fera pas du jour au lendemain.