La crise dite du pain semble être loin d'être réglée à Tizi Ouzou, malgré l'annonce de la fin de la grève décidée par les boulangers de la wilaya, à l'effet, disaient-ils, de réclamer des solutions à la menace de faillite qui pèse sur leur activité. La décision de fabriquer deux qualités de pain, à savoir "l'ordinaire" qui ne sera vendu que dans les boulangeries à 10 DA, et le pain dit "amélioré" qui est cédé au prix de 15 DA, est loin de susciter l'adhésion des consommateurs, mais aussi des commerçants qui servent d'intermédiaires pour son écoulement. La direction du commerce de Tizi Ouzou, qui a fini par sortir de son mutisme observé durant toute la période de la grève (15 jours), a tout bonnement désavoué les boulangers. Dans un communiqué rendu public jeudi, soit après 15 jours de grève des boulangers de la région, la direction du commerce a renvoyé la balle dans leur camp en affirmant qu'aucune augmentation du prix du pain n'a été décidée par les pouvoirs publics. "Le boulanger a toujours été autorisé à produire du pain normal, amélioré et les pains spéciaux", a affirmé la direction du commerce. "Néanmoins, il est tenu d'assurer la disponibilité du pain ordinaire, en permanence, dans son magasin, et dans le cas contraire le pain amélioré sera vendu au prix du pain ordinaire", a-t-elle expliqué, tout en rappelant l'article 9 du décret n°86-158 du 29 juillet 1986, qui fixe les règles d'exercice de ce métier. En réaction à ce communiqué, le coordinateur local de l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), Samir Djebbar, a expliqué que les boulangers ne peuvent pas continuer à travailler à perte. "Ils ont tout à fait le droit de vendre du pain amélioré à 15 DA, afin de rentabiliser leur activité. Seulement, ils sont effectivement tenus, réglementairement, à assurer la disponibilité du pain ordinaire", reconnaît-il. "La décision des boulangers est tout à fait légale tant qu'ils respectent ces deux méthodes de fabrication, et c'est au consommateur de choisir ce qu'il va acheter", a-t-il insisté. Un avis qui est loin d'être partagé par les commerçants qui sont nombreux à refuser d'écouler le pain proposé par les boulangers à 15 DA. C'est, entre autres, le cas dans les différentes communes de la daïra de Mâatkas, dans le sud de Tizi Ouzou, où une virée a permis de constater qu'un bras de fer est désormais engagé entre les boulangers et les commerçants qui opposent un niet catégorique à la vente du pain avec le nouveau prix de 15 DA, fixé unilatéralement par les boulangers. Une situation qui a fait que le pain n'est disponible, depuis la fin de la grève, qu'au niveau des boulangeries. "Nous refusons de vendre le pain, car son prix a été augmenté à 15 DA. Nous exigeons des factures et des justificatifs officiels indiquant que le prix est de 15 DA. Nous ne pouvons pas le vendre à ce prix au risque d'être pénalisés par les contrôleurs des prix", nous dira Saïd, un commerçant. De leur côté, les boulangers s'en défendent, comme c'est le cas de Belaïd. "Après la grève de 15 jours, les boulangers ont décidé d'augmenter le prix du pain amélioré à 15 DA. Quant au pain ordinaire, il est toujours à 10 DA. Cette décision est légale mais n'est pas encore officielle. Les commerçants ne l'acceptent pas et exigent des écrits officiels que nous n'avons pas", a-t-il reconnu. Mais, dans la plupart des boulangeries visitées à Mâatkas et à Souk El-Tenine, le pain ordinaire est quasiment absent des étals. "Le pain ordinaire, on n'en propose qu'en début de matinée ; une fois la petite quantité du matin vendue, c'est le pain dit 'amélioré' qui prend le relais et il faut le payer à 15 DA, alors que les baguettes de pain ne pèsent jamais 250 g comme le stipule la loi", regrettera un client à Souk El-Tenine. C'est le cas même au chef-lieu de la wilaya où de nombreux commerçants refusent de vendre uniquement du pain amélioré. "Les boulangers refusent de nous livrer du pain ordinaire et, de notre côté, on refuse d'écouler uniquement le pain amélioré à 15 DA car on ne sait pas ce qu'on risque vis-à-vis de la direction du commerce qui exige la disponibilité du pain courant", explique le gérant d'une alimentation générale au centre-ville de Tizi Ouzou. Ce dernier estime que les commerçants sont, à cet effet, entre le marteau de la direction du commerce et l'enclume des boulangers.