La défense a plaidé la relaxe pour une femme dont le seul tort est d'avoir exercé un droit garanti par la Constitution. Me Abdelmadjid Hachour a, d'ailleurs, dénoncé "un procès contre la liberté d'expression". La hirakiste Dalila Touat a retrouvé, hier, la liberté après sa condamnation durant la même journée par le tribunal de Mostaganem à six mois de prison avec sursis. Le verdict est tombé en fin de journée alors que le parquet avait requis plus tôt deux ans de prison ferme à l'encontre de la militante. La défense a, durant les débats, pointé un procès politique et contre la liberté d'expression. "Le dossier monté contre Dalila Touat est de nature politique. Il répond à l'impératif de prévenir le retour du Hirak". Telle a été la conviction des avocats de la défense de Dalila Touat qui ont fait le déplacement hier au tribunal de Mostaganem pour porter assistance à l'inlassable militante. Dalila Touat a, une nouvelle fois, été jugée pour "incitation à attroupement", "outrages et violences à fonctionnaires et institutions de l'Etat", "offense au président de la République" et "diffusion de publications pouvant porter atteinte à l'intérêt national". Comparaissant par visioconférence depuis la prison pour femmes d'Aïn Tedlès où elle est détenue depuis son arrestation le 31 janvier dernier, la militante a rejeté l'ensemble des accusations pesant sur elle, expliquant ignorer quelles publications sur les réseaux sociaux lui avaient valu de se retrouver ainsi derrière les barreaux. Comme lors de ses précédents procès de novembre 2019 et janvier 2021, la détenue politique a déclaré avoir exercé son droit à l'expression en livrant son sentiment sur la situation politique qui agite l'Algérie. "J'ai exprimé mes opinions et exposé mes interrogations sur des sujets d'intérêt public", a-t-elle souligné en dénonçant un acharnement des services de sécurité contre sa personne. Harcèlement qui l'a amenée à observer une grève de la faim à l'intérieur de l'établissement pénitentiaire où, a-t-elle reconnu, elle a bénéficié d'un suivi médical contrairement à son séjour de l'année passée. Prenant la parole, l'avocate de la partie civile, représentant le Trésor public, a tenté d'expliquer que les charges portées contre l'accusée étaient fondées, ses posts ayant réellement porté atteinte à la personne du président de la République et outragé des institutions, dont l'ANP, par des publications mensongères. L'avocate a achevé sa brève intervention en réclamant la somme de deux millions de dinars à titre de préjudice moral. Partageant l'avis de la partie civile sur la culpabilité de l'accusée, le représentant du ministère public a laconiquement requis deux années de prison ferme assortie d'une amende de 200 000 DA. Les avocats de la défense qui se sont succédé au prétoire ont tous plaidé la relaxe pour une femme dont le seul tort est d'avoir exercé un droit garanti par la Constitution. Me Abdelmadjid Hachour a dénoncé un procès contre la liberté d'expression. "Mme Touat n'a pas été arrêtée pour vol ou trafic de cocaïne. Elle a été jetée en prison pour des écrits", s'est-il insurgé en dénonçant la tendance des services de sécurité à "dénigrer" le Hirak dans leurs procès-verbaux en lui accolant le terme "soi-disant" (ma yousamma) alors qu'il est cité dans le préambule de la Constitution. L'avocat a également assuré que l'accusée n'a manqué de respect à personne dans ses publications, contrairement à ce qui est contenu dans l'arrêt de renvoi d'accusation, en indiquant que c'est grâce à des citoyens comme Dalila Touat, qui n'hésitent pas à exprimer leur mécontentement, que l'Etat a gelé certaines taxes contenues dans la loi de finances 2022. Plus "juridique" dans son intervention, Me Zoubida Assoul s'est attelée à démontrer la vacuité du dossier d'accusation en tentant de prouver le caractère infondé des accusations retenues. S'en prenant d'abord au représentant du parquet, elle s'est étonnée que le magistrat ne se soit pas donné la peine d'exposer les éléments de preuves sur lesquels il s'est basé pour réclamer une peine de prison aussi lourde. "Aujourd'hui, s'est installée une fâcheuse habitude : on arrête les gens et on exige qu'ils apportent la preuve de leur innocence", a-t-elle déploré en affirmant que les services de police ayant interpellé Dalila Touat ont transgressé les dispositions de l'article 34 de la Constitution qui stipule que "les dispositions constitutionnelles ayant trait aux droits fondamentaux, aux libertés publiques et aux garanties s'imposent à l'ensemble des pouvoirs et institutions publics". L'avocate s'est également élevée contre le recours à la procédure de comparution immédiate qui, a-t-elle dit, obéit à certaines règles dont celle du flagrant délit. "Où se situe le flagrant délit dans le cas de notre cliente qui a été arrêtée alors qu'elle se trouvait seule, sur une place publique ?", a-t-elle demandé. Me Assoul s'en est également prise à la partie civile en s'interrogeant sur sa légalité et en en demandant le rejet. "Dans ce procès, aucune institution de l'Etat n'a porté plainte pour diffamation. Or, c'est un préalable pour la constitution de la partie civile", a-t-elle souligné.